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loin d’être unie, se compose d’une multitude d’amas, de grumeaux de matière incandescente, séparés par un réseau d’intervalles obscurs. Ce sont des astronomes anglais, MM. Nasmyth, Dawes, Stone, qui ont les premiers reconnu cette structure de la surface solaire il y a quinze ans ; mais déjà William Herschel en avait signalé l’aspect « marbré » ou « rugueux » et constaté l’existence d’une infinité de petits points noirs auxquels il avait donné le nom de pores. M. Nasmyth compare les amas brillans à des feuilles de saule, M. Stone les appelle « des grains de riz ; » chaque observateur a recours à l’image qui lui paraît le mieux traduire ses impressions. D’après le père Secchi, on peut se faire une idée de l’aspect de la surface solaire en regardant sous le microscope du lait un peu desséché quand les globules ont perdu leur forme régulière. La granulation est surtout apparente dans les premiers momens de l’observation ; mais bientôt l’image se trouble, et les détails deviennent moins distincts, parce que l’œil se fatigue en même temps que l’objectif s’échauffe ainsi que l’air contenu dans le tube de la lunette.

Le père Secchi attribue à ces grains ou filets brillans une largeur moyenne d’un tiers de seconde, ce qui représente de 200 à 300 kilomètres en mesures itinéraires. Un astronome américain, M. Langley, qui dispose d’une lunette de 33 centimètres d’ouverture, affirme qu’avec de forts grossissemens ces grains se résolvent à leur tour en granules beaucoup plus petits. Sans doute le degré de subdivision apparente ne dépend que du pouvoir des instrumens dont on fait usage. Dans le voisinage des taches, les grains de riz s’allongent, se soudent les uns aux autres, en se groupant perpendiculairement aux bords de la pénombre ; ils offrent alors, d’après M. Dawes, l’aspect des brins de paille enchevêtrés d’un toit de chaume ; pour d’autres, c’est une multitude de petits ruisseaux qui ravinent le talus d’un gouffre où ils vont se déverser.

Les éclipses totales de soleil auraient fourni aux anciens astronomes de précieuses occasions d’étudier le contour du bord solaire à l’abri des rayons éblouissans qui, en temps ordinaire, l’empêchent d’être visible, et qui sont interceptés par la lune lors d’une éclipse. Malheureusement ce n’est guère que depuis une trentaine d’années, depuis l’éclipse de 1842, que l’attention des savans s’est portée de ce côté. Jusqu’alors on se bornait à noter l’instant précis de l’occultation du soleil par la lune, en vue de la rectification des tables astronomiques, et l’on ne se dérangeait point pour aller observer une éclipse dans l’Inde ou en Chine. Les descriptions obscures et confuses qu’un certain nombre d’observateurs anciens avaient données des phénomènes dont ils avaient été témoins n’étaient pas comprises. L’éclipse totale de 1842, dont l’observation avait été