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La colonisation de l’Amérique par les Scandinaves se présente-t-elle avec des témoignages plus solides ? Il est certain que les Islandais avaient découvert le Groenland et le Labrador au Xe et au XIe siècle de notre ère ; peut-être des navigateurs irlandais les avaient-ils précédés. Le fait est attesté par les sagas, récits héroïques de l’Islande dont l’authenticité n’est pas douteuse. Il y a deux cents ans, on a retrouvé au Massachusetts, sur les bords de la rivière Taunton, un bloc erratique de granit sur lequel des caractères bizarres sont gravés en creux. Il est impossible que ce soit l’œuvre des Indiens, qui, ne connaissant point le fer ni l’acier, n’auraient pu travailler le granit. Les savans modernes prétendent y trouver la preuve que les Scandinaves visitèrent autrefois ces rivages. Le fait est au fond très probable. Il est à supposer que la zone boréale était moins froide il y a mille ans qu’elle ne l’est aujourd’hui, que les mers du Groenland n’étaient pas encore encombrées de glaces, que par conséquent il n’était pas beaucoup plus difficile d’aller du Groenland au Labrador que de la Norvège en Islande et de l’Islande au Groenland ; mais les Islandais du moyen âge n’ont connu, d’après leurs propres récits, que l’extrême nord du nouveau continent. Ils n’ont eu de relations qu’avec les Esquimaux, qui ne sont même pas Américains à vrai dire ; à peine ont-ils entrevu les Peaux-Rouges. Lorsque survint une série d’hivers rigoureux qui chassa leurs navires des mers polaires encombrées de glaces, ils abandonnèrent la province mystérieuse de Vinland, où le hasard les avait conduits, ils en partirent sans avoir soupçonné les civilisations du Mexique et du Pérou. Si curieux que soient ces voyages transatlantiques du XIe siècle, il n’en est rien advenu qui ait modifié la population ou les mœurs de l’Amérique.

Humboldt, dont le voyage à la Nouvelle-Espagne fut presqu’une révélation, tant les observations qu’il y fit sont supérieures aux vagues descriptions des Espagnols, Humboldt crut découvrir une analogie frappante entre l’Inde et le Mexique. « La communication entre les deux mondes, dit-il, se manifeste d’une manière indubitable dans les cosmogonies, les monumens, les hiéroglyphes et les institutions des peuples de l’Amérique et de l’Asie. » L’assertion est précise ; par malheur, l’Asie était peu connue au temps du savant voyageur, et l’Amérique l’était moins encore. Le bouddhisme, dont il lui semblait retrouver la trace dans les ruines de l’Amérique centrale, n’avait pas encore été étudié comme il le fut depuis. L’hypothèse présentée par Humboldt a trouvé plus récemment des