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les Espagnols passèrent à tous les yeux pour être les héros de cette légende. Devenus maîtres du Mexique, ils renversèrent tous les gouvernemens locaux ; bien plus, désireux de convertir au christianisme les populations qu’ils avaient soumises, ils s’empressèrent d’anéantir tout ce qui rappelait aux indigènes le souvenir de leurs anciennes institutions. Au dire de l’historien Prescott, un archevêque trop zélé fit un feu de joie de tous les manuscrits aztèques qu’il avait pu réunir. Cependant tout ne fut pas détruit. Des Indiens, ayant appris la langue espagnole, écrivirent dans ce nouvel idiome l’histoire de leur pays ; il ne reste du passé que ces documens d’une véracité contestable. En dehors du Mexique, les annales sont plus obscures encore. Peu de temps après la conquête, en parcourant les provinces méridionales, les Espagnols découvrirent d’autres monumens abandonnés dès cette époque ; ils observèrent d’autres mœurs, recueillirent d’autres traditions, comme si ces provinces avaient appartenu à des peuples autres que les habitans de l’Anahuac. Ce qui a survécu de cette civilisation méridionale, on l’a attribué à la nation maya, qui aurait créé les villes mortes du Yucatan et du Honduras, tandis que les Aztèques faisaient partie de la nation nahua. Entre les Mayas et les Nahuas, il y a des différences telles que l’on ne peut leur assigner une même origine, à moins de remonter aux temps antérieurs à toute civilisation. Au reste, ce n’est plus qu’en fouillant le sol de l’Amérique que l’on retrouve des vestiges de leur passé.

A commencer par le sud, voici d’abord les ruines de Copan vers le 15e degré de latitude, au milieu d’une forêt dont la végétation puissante envahit tout. Ville ou temple, Copan était abandonné au XVIe siècle, car Fernand Cortez, qui passa tout près en 1524 dans une expédition contre les habitans du Honduras, n’en entendit pas parler. Ces ruines ne sont pas les restes d’une construction grossière. Les murs sont bâtis en blocs énormes dressés avec soin ; on y voit encore des pyramides de grande dimension, des statues, des idoles surchargées d’ornemens avec des dessins emblématiques dont le sens est indéchiffrable. La pierre n’a pu être taillée de cette façon que par un peuple sachant fondre les métaux et en fabriquer des outils.

L’Amérique centrale n’est pas une contrée dont l’exploration soit facile. Une chaleur accablante, la puissance de la végétation, l’insouciance des habitans actuels tout contribue à décourager l’antiquaire. Toutefois, dans le Yucatan, les voyageurs ont fait une ample récolte d’observations intéressantes, rien qu’en passant, car il n’est même pas nécessaire d’y creuser la terre pour en exhumer les restes des temps antéhistoriques. Ce pays est, à vrai dire, l’Égypte du Nouveau-Monde. Le sol est jonché d’édifices en ruine ; à peine y a-t-il