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discours du 5 août 1870, M. du Bois-Reymond, en prononçant cette parole que nous livrons à la réflexion des politiques, indifférens en matière de pédagogie : « L’université de Berlin, casernée (einquartiert) en face du palais du roi, est la garde du corps intellectuelle de la maison de Hohenzollern ! »


III

Nous permettra-t-on de tirer une courte morale de l’étude qui précède ? Au temps où nous sommes, une excursion faite par un Français en terre étrangère ne saurait être désintéressée : il faut qu’il en rapporte ce qu’il juge utile aux siens. « On doit beaucoup apprendre de son ennemi : » voilà un proverbe allemand dont il faut faire un proverbe français ; mais est-il besoin de dire ce que nous devons apprendre dans cette histoire des débuts d’une université prussienne ? Il y a aujourd’hui à Paris, plus qu’à Berlin en 1807, toutes les ressources nécessaires en établissemens et en hommes. Ici les facultés de théologie, de droit, de médecine, des lettres et des sciences ne sont point à créer. A côté d’elles se pressent nos laborieuses écoles spéciales : les Écoles normale, polytechnique, centrale, les Écoles des chartes, des beaux-arts, des mines, des ponts et chaussées, des langues orientales, la jeune et vaillante École des hautes études, l’École libre des sciences politiques, et ces grands établissemens ouverts à la recherche des vérités nouvelles : l’Observatoire, auquel se rattachent tant d’illustres souvenirs ; le Museum, qui a vu se succéder les législateurs des sciences naturelles ; le Collège de France, où tant de routes ont été défrichées dans toutes les directions du savoir ; l’Institut, qui est, comme disait Daunou à la convention nationale, « l’abrégé du monde savant et le corps représentatif de la république des lettres ! » Et que de matières s’offrent au travail dans nos musées, dans nos galeries, dans nos bibliothèques ! Mais à Paris, comme à Berlin en 1807, nous ne possédons que les membres épars d’une université. Certains de ces membres sont pleins de vie, comme les facultés de droit et de médecine ; mais ce sont en réalité des écoles spéciales donnant accès à de certaines professions, et il ne faut point leur demander cette éducation supérieure que donne la haute culture littéraire et scientifique. Quant à nos facultés des lettres et des sciences, elles languissent faute d’élèves : n’est-il pas lamentable de voir tant de maîtres éminens réduits à chercher quelque tête intelligente et jeune parmi un auditoire composé en grande partie d’hommes qui ont vieilli dans d’autres professions que les libérales,