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stimuler les forces matérielles par la suppression des entraves féodales, et les forces intellectuelles par. la fondation d’une université. Peut-être de si longues explications étaient-elles nécessaires pour faire comprendre à maints politiques français, trop dédaigneux de ce qui n’est point la pure politique, l’idée, au premier abord surprenante, de réparer une défaite militaire en créant une école.


II

Les ressources ne manquaient pas à Berlin pour y fonder une université. Il s’y trouvait une académie des sciences, une école des mines, un collège médico-chirurgical, qui était une vraie faculté de médecine, des cours de droit au ministère de la justice, une école forestière au directoire-général des domaines, une école et une académie des beaux-arts, une bibliothèque, un jardin botanique, un observatoire, des cabinets d’histoire naturelle, un musée anatomique, des collections d’instrumens pour la physique, l’astronomie, la chirurgie, des cabinets de médailles et une galerie de tableaux. Quelques années encore avant la guerre, Frédéric-Guillaume III avait fondé des hôpitaux, une académie d’architecture, une école industrielle, une école agricole, un bureau de statistique. Le gouvernement s’efforçait ainsi de satisfaire aux divers besoins de la population ; mais Berlin ne possédait encore que des écoles professionnelles, sans lien les unes avec les autres : la tâche de l’université serait de les élever au-dessus de la préparation à des métiers, et d’en faire les parties harmoniques d’une grande unité. L’université ouverte, on y pourrait rattacher plusieurs de ces professeurs libres qui donnaient alors sur toute sorte de sujets ce que nous appelons des conférences. C’étaient des académiciens, des médecins, des magistrats, des administrateurs, des ecclésiastiques, des professeurs de gymnases. Quiconque croyait avoir quelque chose à dire se pourvoyait d’une autorisation de la police, louait un local, affichait son cours, et, pour peu qu’il eût du talent, réunissait autour de sa chaire un nombreux public, avide d’être initié aux connaissances nouvelles. Beaucoup de ces professeurs libres n’étaient que des parleurs, mais il se rencontrait parmi eux quelques hommes qui remuaient les esprits par la force de leur talent et de leur caractère : devant un auditoire où les ministres et les ambassadeurs prenaient modestement place, le plus illustre des disciples de Kant, Fichte, enseignait à la manière antique, discutant avec ses auditeurs, comme Socrate, pour « leur expliquer avec une évidence mathématique l’énigme du monde,  » et leur démontrer « l’intime