Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus sensée ; il a prétendu que la meilleure manière de servir la république était de faire de la bonne administration. Et vraiment c’est ainsi. On ne popularise pas un gouvernement avec des mots, des fétichismes, des mobilités perpétuelles, qui finissent par développer dans les populations un certain scepticisme à l’égard de tous ces préfets qui se succèdent et souvent se ressemblent. On accrédite un régime nouveau auprès de ceux qui vivent de la simple et obscure vie nationale en leur montrant que ce régime raisonnable et pratique s’adapte sans effort à leurs mœurs et à leurs intérêts. — La meilleure manière de servir la république, c’est aussi de faire de bonnes finances, d’avoir un budget bien équilibré, de gérer la fortune nationale de façon à pouvoir porter sans fléchir le poids des charges qu’on ne peut décliner. C’est ce que fait M. Léon Say. Il a mis un ingénieux bon sens à établir un budget tout simple, épargnant au pays de nouveaux sacrifices et en même temps évitant de toucher prématurément à un édifice financier construit avec tant de peine depuis quelques années. Que propose-t-on d’un autre côté à M. Léon Say au nom de la vérité républicaine ? M. Gambetta, qui est passé maître en finances depuis qu’il est président de la commission du budget, M. Gambetta a son système tout comme M. Barodet ; il a son programme financier avec les articles obligés : révision du cadastre, impôt sur le revenu, diminution ou suppression de certaines taxes indirectes, réforme des services administratifs, révision de la loi des pensions, modification complète des rapports de l’état avec les grandes compagnies de chemins de fer, etc. Avant d’aller si loin et de mettre la main à tant de choses, qu’on commence par vivre, par assurer le service de la France, sans compromettre son crédit pour se donner la satisfaction de voir surgir l’éternel impôt sur le revenu !

La meilleure manière de servir la république enfin, c’est de faire une bonne diplomatie, de relever par degrés l’influence française, d’inspirer de la confiance par la sûreté, le tact et la dignité dans les relations. C’est ce que fait M. le duc Decazes avec une dextérité tranquille, avec succès ; et de quelle façon prétend-on venir en aide à M. le ministre des affaires étrangères dans les circonstances difficiles et délicates où nous vivons toujours ? On a la vieille et invariable recette à lui offrir ; on lui demande de changer des ambassadeurs, d’envoyer auprès des souverains de l’Europe des diplomates chargés de représenter la république, comme si au dehors ce n’était pas assez de représenter la France. Ce serait pourtant une nécessité de mettre un certain nombre de services publics, et avant tout les affaires étrangères, à l’abri de ces mobilités ou de ces entreprises de partis ; on éviterait du moins ainsi des propositions improvisées comme celle d’un digne républicain, d’un honorable négociant en bijouterie de Paris, M. Tirard, qui a demandé tout simplement la suppression de l’ambassade de France auprès du saint-siège. M. Tirard a voulu sans doute, lui aussi, faire de la diplomatie, et sa