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pourrait user d’une comparaison analogue à propos du vin et de l’alcool qu’il renferme, et les Bordelais ne font pas seulement une figure de rhétorique lorsqu’ils comparent leur admirable vin de Sauterne, couleur d’épi doré, à du « soleil mis en bouteille. »

Quand l’eau monte dans l’air en vapeurs, qui l’élève ? C’est la chaleur du soleil. Si elle descend en pluie et s’échappe en torrens, en ruisseaux, que vous canalisez, que vous amenez sous les aubes, sous les palettes d’une roue, qui fait marcher cette roue ? Le soleil, puisque c’est lui qui d’abord a élevé l’eau. Quand le vent souffle sur les ailes d’un moulin, sur les voiles d’un navire, qui fait marcher ce moulin, ce navire ? Le soleil, car qu’est-ce que le vent ? C’est le courant produit par réchauffement d’une couche d’air qui, dilatée par le soleil, cherche à se mettre en équilibre avec des couches de même densité qu’elle, et pour cela monte, se meut, tandis qu’un volume d’air moins chaud vient prendre sa place. Les marées, dont on songe à utiliser la force propulsive, soit directement au moyen des roues qu’elles mettraient en mouvement, soit pour comprimer de l’air et créer ainsi une source de force vive toujours disponible, les marées que sont-elles elles-mêmes ? Une portion de la chaleur solaire, puisque les mers sont formées de l’assemblage de tous ces torrens, de tous ces fleuves qui descendent dans leur réservoir commun, l’océan, lequel couvre les trois quarts de la surface du globe. Ne sont-elles pas du reste produites, ces marées, par l’attraction combinée du soleil et de la lune sur la terre ? Ainsi, toujours et partout le soleil.

Il n’y a donc aucun paradoxe à invoquer le soleil comme le futur magasin de combustible et le réservoir de force auquel les générations à venir iront bientôt s’adresser. Et c’est pourquoi les savans et des grands ingénieurs à toutes les époques, Euclide, Archimède, Héron, Salomon de Caus, Buffon, Saussure, Belidor, Evans, Herschel, Pouillet, Ericson, se sont inquiétés de la manière dont on pourrait utilement ravir à cet astre une partie de son calorique pour les besoins de cette pauvre terre.

Le monde ne périra pas faute de charbon ; mais le charbon manquera bientôt et bien plus vite que ne le calculait Ericson, car le chiffre de l’extraction va doublant partout, en moyenne tous les dix ou quinze ans. Ce n’est plus par milliers d’années qu’il faut compter pour l’Europe, comme on se plaisait à le faire il n’y a pas encore bien longtemps ; c’est par siècles, et le nombre en est plus que limité. Déjà l’Angleterre suppute, à la suite d’enquêtes contradictoires faites avec un soin minutieux et terminées tout récemment, que son noir domaine souterrain sera vidé dans deux ou trois siècles au plus. La Belgique, l’Allemagne, la France, les