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s’est disloquée. Il est fâcheux que l’inventeur n’ait mesuré dans aucun cas le travail réel produit par sa machine au moyen d’un de ces appareils qu’on nomme des freins ou des dynamomètres, et dont le frein de Prony et celui de Watt sont restés les types les plus usités.

Le réflecteur solaire, étant avant tout un foyer à combustible gratuit, ne sert pas seulement à donner la force motrice. On peut l’employer aussi à une foule d’usages tels que la distillation de l’eau pour rendre celle-ci potable, la concentration et la cristallisation des dissolutions salines, la préparation de l’alcool. Il suffit de faire arriver la vapeur de l’appareil au foyer d’un alambic pour distiller 5 litres de vin dans un quart d’heure. La fabrication de l’alcool de grains, de canne ou de betterave ne serait pas plus embarrassante. De même cette vapeur cuit rapidement et en abondance les légumes, la nourriture du bétail. D’ailleurs M. Mouchot a fabriqué de petites marmites solaires absolument distinctes de son grand générateur de vapeur. Désormais, au moyen de ces appareils, les chasseurs, qui se servent déjà du soleil, à défaut d’allumettes ou de briquet, pour enflammer l’amadou de leur pipe avec une lentille de verre à foyer convergent, les chasseurs pourront s’adresser aussi au soleil pour préparer leur dîner en campagne, au besoin faire rôtir leur gibier, et les explorateurs des grands déserts auront autre chose que la fiente de chameau ou la bouse de bison pour réchauffer leur maigre repas.

À quels emplois divers cette curieuse invention ne pourrait-elle pas se prêter ? Il n’est pas jusqu’aux aérostats qui n’iront utilement s’adresser à elle, surtout pour animer sans aucun danger d’explosion les propulseurs du navire aérien, et l’on sait que la radiation solaire augmente singulièrement à mesure qu’on monte. Et les machines motrices à air chaud, à ammoniaque, que ne gagneront-elles pas à user du récepteur solaire ? Mais c’est surtout dans les contrées tropicales, sur lesquelles le soleil dirige si généreusement tous les jours le faisceau de ses brûlans rayons, qu’il trouvera un emploi immédiat : mise en mouvement de tous les mécanismes sur les plantations de canne à sucre ou de coton, distillation des eaux impures pour les transformer en eaux potables, cristallisation des dissolutions salines, sucrées, élévation des eaux d’irrigation, fabrication de la glace au moyen des appareils Carré, etc. Ces pays sont précisément ceux où le combustible manque : les bois de chauffage y sont rares, et la houille, qu’il faut apporter de très loin, souvent même des mines anglaises, y atteint des prix excessifs. Déjà, dans les régions méridionales, n’est-ce pas au moyen de la seule chaleur du soleil que l’on obtient le sel marin ? Au Chili, à l’île