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s’ouvre dans l’angle formé par le Holstein à l’extrémité ouest de la Baltique. Une force navale ennemie, se plaçant devant cet angle et réussissant à bloquer la flotte prussienne, commanderait tous les ports de la côte allemande, — le mot allemande est évidemment employé dans le rapport par pur euphémisme, — s’il ne s’y trouvait aucun arsenal maritime ; mais, si l’Oder et la Vistule recèlent des bâtimens de guerre, l’adversaire se verra obligé de s’étendre sur un large front pour dominer la côte, et il sera beaucoup plus aisé de forcer le blocus. En outre, si le port de Kiel restait l’unique refuge de la marine militaire dans la Baltique, elle ne pourrait pas livrer un combat à l’orient de cette mer sans y courir de trop grands risques. Un navire désemparé, après un engagement, ferait difficilement son chemin d’une extrémité à l’autre de la mer Baltique pour gagner l’arsenal de Kiel. Cet arsenal, malgré son importance, serait insuffisant. Il fallait donc préparer à la marine prussienne au moins un autre abri où les bâtimens de la flotte pussent, à l’occasion, se réfugier et réparer leurs avaries. Dantzig, déjà défendu par une citadelle de premier ordre, devait en outre être protégé par des batteries placées à l’entrée de la Vistule, derrière lesquelles il convenait de construire un dock et des ateliers de réparation. »

Les propositions formulées par le chancelier comprenaient enfin un crédit important relatif aux ouvrages de défense à construire à terre pour empêcher toute tentative de débarquement ou de bombardement sur les côtes. Le but était de transformer en défenses permanentes les travaux accomplis à la hâte en 1870, bien qu’ils eussent suffi pour tenir en respect les bâtimens ennemis envoyés dans la mer du Nord et dans la mer Baltique. Il s’agissait en outre de rendre disponible au moins une partie de l’armée de terre qui avait été immobilisée, pendant les premières semaines de la guerre de France, sur le littoral, pour surveiller les mouvemens de nos escadres.

Lorsque la guerre fut déclarée, la Prusse confia la défense de ses côtes principalement à son armée de terre. Le général Vogel von Falkenstein, le même qui en 1866 avait si bien rançonné la ville de Francfort, reçut le commandement d’une armée de 200,000 hommes avec mission de s’opposer par tous les moyens aux débarquemens des Français. Il devait profiter des chemins de fer qui, sur les côtes de la Baltique, courent sans s’écarter du littoral, et, sur la Mer du Nord, aboutissent à tous les centres importans. Un débarquement de troupes ne peut pas s’effectuer en un seul jour. Le général prussien en eût été averti par le télégraphe. Il aurait eu le temps de rassembler ses troupes et de réunir sous sa main des forces assez considérables pour marcher à l’ennemi et le rejeter dans la mer. Des trains spéciaux étaient préparés pour ce service