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avènement par des améliorations utiles. Il avait institué à Kiel une académie de marine comme centre d’instruction pour les officiers de vaisseau aspirant aux grades supérieurs ; il avait classé en deux divisions d’équipages les marins de la Baltique et ceux de la Mer du Nord ; il avait créé un corps d’ingénieurs des machines ayant sous leurs ordres les mécaniciens et les chauffeurs, un corps d’administrateurs du matériel, et enfin une intendance de la marine. Il avait fait marcher ces travaux d’organisation de pair avec ceux de construction des navires, fortifications des côtes, préparations d’engins d’attaque et de défense : toutes études dont les progrès ont transpiré malgré le mystère dont on les entourait. Les choses étaient en cet état dans les premiers mois de l’année 1873, deux ans après la conclusion de la paix avec la France, lorsque M. de Bismarck jugea le moment venu de donner aux affaires de la marine une impulsion plus vigoureuse encore. Il n’y avait plus que quatre ans à courir jusqu’à l’expiration du délai fixé par le projet de réorganisation de la marine pour l’achèvement de la flotte dans les conditions déterminées en 1867, Il était déjà facile de prévoir que ce délai serait dépassé et que le crédit voté serait insuffisant, même si l’on s’en tenait à l’effectif du matériel et du personnel prévus à cette époque ; mais le trésor public s’était enrichi de notre rançon, et les ambitions du gouvernement s’étaient agrandies avec sa puissance. L’occasion d’augmenter les proportions de la flotte était donc propice, et l’on pouvait compter pour obtenir l’argent nécessaire sur ce trouble de conscience qui, à la suite du démembrement d’une partie de la France, suscite dans l’imagination allemande le fantôme d’une guerre prochaine.

M. de Bismarck présenta donc au Reichstag un nouveau rapport sur la marine. En diplomate habile, il commença par flatter l’orgueil des législateurs, non-seulement à nos dépens, mais au détriment des autres puissances maritimes. Il disait : « Les grands progrès de la construction navale depuis 1867 et les glorieux événemens qui ont si puissamment modifié la politique de l’Allemagne parmi les autres nations ont augmenté nos devoirs, » et au nombre des motifs de cette augmentation il comptait « le développement maritime de l’Allemagne, qui, disait-il, excite de plus en plus l’attention jalouse des autres états maritimes de l’Europe, de ceux surtout qui jusqu’à présent régnaient seuls sur les mers. » Les devoirs du gouvernement étaient, selon le rapporteur, de caractère défensif ou de nature offensive. La protection du commerce allemand, la sauvegarde du territoire sur les côtes, étaient rangées au nombre des précautions défensives. Or le commerce allemand s’est fort développé depuis les événemens de 1870, et à l’étranger le nombre des Allemands qui revendiquent leur nationalité pour avoir droit à la protection