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prendre, en cas de guerre, une offensive assez vigoureuse pour jeter le trouble dans le commerce de l’ennemi et procéder à l’attaque de ses flottes, de ses côtes et de ses ports. « Il s’agissait, comme on le voit, d’étendre l’influence de la Prusse à toutes les affaires du monde ; mais la création d’une marine capable d’exécuter ce programme n’était pas l’affaire d’un jour. Aussi M. de Roon se bornait-il, pour le moment, à démontrer la nécessité de prendre « une position respectable en face des états de deuxième ordre que leur position géographique met (pour leur perte) en contact avec la Prusse. » Le ministre laissait encore au second plan la lutte avec une puissance maritime de premier ordre ; mais il envisageait la possibilité d’avoir à la soutenir. Seulement dans ce cas, disait-il avec une certaine naïveté, « la Prusse aurait besoin d’une alliance. » En l’attendant, il proposait de répartir le crédit en dix années qui seraient nécessaires pour l’achèvement des bâtimens compris dans l’effectif suivant : 10 frégates cuirassées, ce sont, disait le ministre, les seuls bâtimens capables de tenir tête à l’artillerie moderne, — 10 monitors, navires en fer cuirassés à coupoles, pour la défense des côtes ; quant aux batteries flottantes, le gouvernement les considérait comme défectueuses et insuffisantes, à cause de la lenteur de leurs mouvemens, — 8 corvettes à batteries couvertes, 6 corvettes à batterie barbette et quelques navires de correspondance et de transport, pour la protection du commerce à l’étranger, ainsi qu’il était dit dans le rapport.

Toute cette flotte était à créer. La Prusse à cette époque ne possédait, en fait de bâtimens de guerre, que plusieurs corvettes et 22 canonnières ; seulement elle avait devancé le vote du Reichstag, et, pour éviter toute perte de temps, elle avait commandé en Angleterre trois cuirassés sur les dix prévus au rapport. Ils venaient d’être lancés. C’étaient le Kœnig-Wilhelm, de 6,000 tonneaux, le Friedrich-Karl, de 4,000 tonneaux, le Kronprinz, de 4,500 tonneaux, plus deux bâtimens à tourelles, et enfin deux corvettes de premier rang, Hansa et Ariane. L’ensemble de ces bâtimens, qui d’ailleurs ne pouvaient être armés avant deux années au moins, formait déjà une force respectable. On en jugerait mieux par l’énumération des canons qu’elle était destinée à porter, si l’on était généralement apte à apprécier la valeur d’une batterie par le poids des pièces et des projectiles, par leurs dimensions, par leur force de projection. Ces chiffres seraient fort arides et ne représenteraient probablement rien de bien net à l’esprit de la majorité des lecteurs ; nous nous abstenons de les reproduire. Qu’il nous suffise de rappeler qu’il n’y a aucun rapport entre la vieille artillerie, qu’on plaçait à bord des anciens vaisseaux de ligne, et les nouvelles bouches à feu qu’on emploie sur les bâtimens cuirassés. Autrefois on