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LA CRÉATION
DE LA
FLOTTE PRUSSIENNE


I

Il y a vingt-cinq ans, la Prusse n’avait pas un seul grand port de guerre, pas un navire de haut-bord, pas un pouce de terrain sur la Mer du Nord. Elle possède aujourd’hui deux arsenaux militaires qui peuvent rivaliser avec Brest et Toulon, des navires du plus grand échantillon et de la plus grande force connue, une étendue de côtes sur la Mer du Nord comme sur la Baltique et tous les moyens de prendre rang parmi les puissances maritimes. Elle n’a pas attendu, pour préparer ce nouvel élément de prépondérance, les résultats de sa lutte avec nous, mais ses efforts ont redoublé et ont pris une activité fiévreuse depuis la guerre de 1870.

Les côtes de la Prusse sur la mer Baltique, à partir de la frontière de Russie jusqu’au Danemark, ont un développement de 950 kilomètres. La partie continentale du Danemark forme une langue de terre qui, se rattachant à la Prusse par un isthme étroit, ferme la Baltique à l’ouest, isole les côtes prussiennes sur ce lac méditerranéen, dont les eaux n’ont d’issue sur la Mer du Nord que par les détroits des Belt et du Sund. Les rivages de la Prusse dans la Baltique étalent jusque s, ous l’eau, où ils descendent par des pentes insensibles, des terrains vaseux et plats. Cette configuration des terres constitue une première défense naturelle. Les eaux profondes, où peut plonger la carène des gros bâtimens de guerre, ne se trouvent qu’à une distance considérable de la côte ferme et en tiennent éloignées les flottes ennemies ; mais cet avantage est compensé par la difficulté d’y créer des ports. Si ceux qui existaient n’avaient jamais été transformés en grands arsenaux maritimes, c’est