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Sud, hôtes de toutes les ménageries, donnent aussi la preuve des ressources de la voix inarticulée pour communiquer entre animaux. Un jour, le naturaliste Rengger, errant à la lisière d’une forêt du Brésil, se prit à contempler les gambades d’une famille de sajous ; un individu s’étant isolé des autres, découvre un oranger chargé de fruits mûrs. Sans prendre la peine de se retourner, il fait entendre de petits cris et part comme une flèche ; la société avait compris ; en un instant elle fut réunie sur l’arbre, tout heureuse de savourer les belles oranges. Si les hommes n’avaient point la parole articulée, à l’aide de sons ou de cris variés par l’intonation, l’intensité, la résonnance et diversement combinés, ils ne seraient nullement en peine de construire un langage. Un tel idiome ne pourrait sans doute jamais valoir les langues d’Homère, de Dante, de Shakspeare ou de Bossuet ; mais il suffirait à tous les besoins essentiels de la vie. Qu’on arrête la pensée sur ce mode de communication imaginaire, mais pourtant réalisable, on concevra l’idée du langage plus ou moins restreint des animaux.

Chez les mammifères, les sons de la voix diffèrent considérablement sous le rapport de la puissance, de la hauteur comme du timbre ; dans une certaine mesure, les particularités de conformation du larynx permettent d’expliquer les causes. Les bêtes à cornes ont des lèvres vocales lâches, peu saillantes, elles ne doivent jamais, ni beaucoup se rapprocher, ni vibrer avec une grande force ; elles ne donnent que des sons graves ; c’est le mugissement du bœuf. Les rongeurs, lapins, lièvres, écureuils et souris, ayant des cordes vocales minces et tranchantes émettent des cris aigus. Des espèces de plusieurs groupes de mammifères ont des poches aériennes qui s’ouvrent à l’intérieur du larynx et procurent une résonnance extraordinaire. Quelques singes se font remarquer par l’énorme développement de ces poches ; ils ont une voix des plus retentissantes. Les singes hurleurs, qu’on appelle aussi les stentors, habitans des plus sombres forêts du Nouveau-Monde, poussent des hurlemens qui s’entendent, au dire de Humboldt, de la distance d’un kilomètre et demi ; encore davantage suivant d’autres voyageurs. Chez l’éléphant, les cartilages latéraux du larynx ne peuvent se toucher : les cordes vocales ayant une direction oblique, paraissent peu susceptibles d’une extrême tension ; de là une voix sourde, pourtant très puissante. Si l’on parvenait à observer le jeu du larynx des animaux pendant l’émission des cris, tout de suite on serait avisé d’actions de la glotte fort curieuses et très instructives. La difficulté semble presque insurmontable, car il faut peu compter sur la bonne volonté des bêtes ; néanmoins M. Mandl, plein de confiance dans son habitude de l’emploi du laryngoscope, ne désespère