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brusques expirations de l’air à travers la glotte produisent cette voix si connue qui éclate par saccades ; le jappement n’en est que la forme adoucie ; — c’est pour exprimer la joie. Le hurlement vient d’une expiration prolongée et d’une forte résonnance dans le pharynx ; il est suscité par un profond chagrin, une vive douleur. Les chiens manifestent leurs désirs plus encore par les frétillements du corps, par le jeu de la physionomie, par les attouchements du museau que par la voix. Entre eux, ils paraissent communiquer à merveille quand il s’agit d’organiser une expédition ; ils s’avertissent de la présence d’un objet de leur goût. Nous vîmes une fais au milieu d’un pré, loin des habitations, le corps d’un bœuf écorché, qui fut plusieurs jours absolument délaissé. Un chien solitaire, attiré sans doute par l’odeur, vint se repaître, et retourna dans le village prévenir ses connaissances de la trouvaille ; moins d’une heure après, le cadavre était dépecé à belles dents, par une énorme bande de chiens.

Les occasions d’étudier le langage des bêtes en état de liberté sont rares ; tous les animaux fuient l’homme, ce qui est de leur part une grande sagesse. Captifs, privés de communication avec des semblables, ils deviennent silencieux ou se contentent de jeter quelques cris ou de faire entendre quelques murmures. Si un être humain pouvait être retenu prisonnier dans une famille de chimpanzés, il serait réduit aux ; mêmes extrémités. Les voyageurs ont parfois observé des singes bien à portée de la vue et de l’oreille, toujours ils se sont aperçus que les différentes explosions de la voix avaient chacune sa signification dans les momens où le concert doit s’établir entre les individus. Les cercopithèques, gracieux, gais, mir gnons entre tous les singes de l’Afrique, se réunissent par groupes plus ou moins nombreux. Ayant pour demeures habituelles les branches des arbres, ils descendent à terre avec beaucoup de méfiance et seulement pour aller à la maraude. Lorsqu’une expédition est préméditée, la bande des cercopithèques marche sous la conduite d’un chef, — toujours un vieux mâle qui a l’expérience des hommes et des bêtes. La troupe s’ébranle d’abord avec prudence, en passant sur les hautes branches des arbres ; par intervalles, le chef grimpe sur une des cimes les plus élevées, et du regard sonde l’espace. Satisfait, il le marque par des sons gutturaux, la compagnie se montre tranquillisée ; inquiet, soupçonnant ou apercevant le danger. Il jette un cri spécial ; à l’avertissement, nul ne se trompe ; aussitôt la bande rebrousse en désordre. Les pillards arrivent sur les arbres les plus, voisins de la campagne découverte et ils sautent à terre. Alors commence un abominable massacre des sorghos ou des maïs. Les sajous, ces gentils petits singes de l’Amérique du