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bien sensible. Des professeurs nuisent à leurs élèves en prescrivant d’une façon trop absolue les dispositions de la bouche dont eux-mêmes tirent avantage. Chacun est contraint d’obéir à la nature, et c’est avec raison que M. Mandl invite les maîtres à ne jamais l’oublier.

Tous les sons qui peuvent se produire n’affectent pas notre oreille ; très bas ou très aigus, ils échappent. On marque ordinairement les limites de nos perceptions auditives aux sons qui s’expriment entre 40 et 40,000 vibrations à la seconde. Des personnes douées d’une extrême sensibilité portent plus loin ces limites, mais elles n’en éprouvent nul agrément ; on sait combien il est pénible d’entendre des sons trop aigus. Le chant résulte de sons modulés que séparent des intervalles harmoniques ; reproduits dans le même ordre, les intervalles marquent des périodes qu’on appelle les gammes. La série entière des sons du grave à l’aigu est l’échelle musicale ; suivant les individus, la voix en parcourt une étendue plus ou moins grande. Dans le langage des musiciens, chaque série de sons consécutifs et homogènes est un registre ; il y a le registre de poitrine, le registre de tête, d’autres encore. Une idée bien étrange s’est propagée : les chanteurs, étant trompés par la résonnance de la voûte du palais et par des sensations particulières dues à l’activité de différens muscles ont imaginé que la voix vient tantôt de la poitrine, tantôt de la tête. La voix, qui pourrait maintenant l’ignorer ? s’engendre invariablement dans la glotte. Il convient donc, comme le veut M. Mandl, d’abandonner les termes consacrés par l’erreur, et de les remplacer par les noms de registre inférieur et de registre supérieur.

Beaucoup plus que la parole, le chant exige des dispositions très précises de l’organe vocal. Au moment de faire éclater le son, l’orifice de la glotte doit être exactement fermé ; l’émission sera bonne, si les lèvres vocales s’écartent dans la juste mesure avec une sorte de soudaineté. Il est intéressant de suivre du regard par le secours du laryngoscope le jeu de l’instrument d’où s’échappent les notes qui se succèdent plus basses et plus hautes. Lorsque se produisent les sons tout à fait graves, l’orifice de la glotte prend la figure d’un ellipsoïde régulier, très long, pointu aux deux extrémités. Le son monte, aussitôt les lèvres vocales se rapprochent ; comme étranglé sur un point, l’orifice semble divisé en deux parties ; le son monte encore, et arrive à la dernière limite du registre ; alors l’orifice de la glotte se réduit à une fente linéaire. La voix passe-t-elle au registre supérieur, — c’est la voix de tête ou de fausset, ainsi qu’on a eu coutume de l’appeler, — un curieux changement s’opère soudain dans la configuration de la glotte ; celle-ci