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écrivait ces mots, que nous reproduisons d’après le texte en langue française : « Le prince Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha s’empresse d’accepter la carrière utile et honorable que les hautes puissances lui offrent. Cependant ce serait mal répondre à la confiance qu’elles daignent placer en lui et se rendre coupable des suites que la non-réussite de l’œuvre pourrait entraîner, s’il donnait son adhésion sans les conditions qui lui paraissent indispensables… » Ces conditions, il les exprime lui-même en stipulant, c’est le mot dont il se sert, qu’elles seront inscrites soit dans le traité définitif qui doit être conclu à Londres, soit dans les articles additionnels de ce traité. Les voici : 1o garantie complète de l’état hellénique, promesse de le défendre contre toute agression ; 2o protection des habitans de Candie et de Samos contre tout acte d’oppression, contre toute mesure réactionnaire de la part du gouvernement turc, après qu’ils seront replacés sous sa domination ; 3o une meilleure frontière au nord ; 4o assurance de secours financiers jusqu’à ce que la Grèce ait consolidé ses propres ressources ; 5o appui de troupes alliées jusqu’à ce qu’il ait pu lui-même organiser les forces militaires du pays ; 6o permission aux Grecs de donner leur avis sur le choix du souverain et de faire des objections à la personne du prince, s’ils le jugent à propos. »

Les plénipotentiaires ne voulurent entendre parler d’aucune condition d’aucune sorte ; c’était à prendre ou à laisser. Stockmar nous raconte à ce sujet tous les détails d’un véritable imbroglio diplomatique. Le prince Léopold, à la demande de lord Aberdeen, a retiré sa première lettre et l’a remplacée par une autre où le mot observations est substitué au mot conditions. Persuadé bientôt qu’il a eu tort et que cette concession de pure courtoisie l’expose à un échec certain, il désavoue la seconde lettre et ne reconnaît plus que la première. Laquelle des deux est la bonne ? C’est la première, dit le prince, elle est l’expression directe de mes sentimens. C’est la seconde, dit lord Aberdeen, elle est insérée dans le protocole à la place de la première dûment et régulièrement annulée. Au reste, qu’il s’agisse de conditions ou d’observations, le prince continue de plaider la cause de la Grèce. Lord Aberdeen, déjà si vif à l’égard du prince dans sa conversation du mois de janvier, est bien autrement amer pendant les péripéties de ce nouveau débat. Les membres du ministère anglais se sont mis en tête que l’attitude du prince est inspirée par les whigs. Le prince est en relations suivies avec les chefs de l’opposition parlementaire, il voit intimement lord Durham, lord Palmerston, lord Lansdowne et M. Brougham, et M. Ellice, et M. Abercromby ; ce sont eux évidemment qui le poussent à soulever ainsi maintes difficultés après avoir accepté d’abord sans réserve les