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exploitations disséminées coûtent cher : d’ailleurs les cimes des arbres voisins étant étagées dans la forêt soumise au jardinage, les tiges sont généralement grêles et malingres ou branchues et noueuses, Aussi le jardinage ne convient-il bien qu’aux arbres résineux à feuillage épais.

Afin d’éviter de larges trouées, très dangereuses dans les forêts de sapin ou d’épicéa, on a soin de n’enlever qu’un arbre à la fois sur un même point, en choisissant autant que possible ceux qui couvrent une jeunesse prête à s’élancer en hauteur. La coupe annuelle parcourt ainsi tout un canton, le dixième de l’étendue de la forêt par exemple, de manière à y concentrer les exploitations et à laisser au peuplement un certain repos. À chaque passage de la coupe, il peut y avoir quelques élagages à opérer sur les branches basses des vieux arbres pour provoquer la production de semis au-dessous d’eux. Mais on s’abstient de toute éclaircie proprement dite ; cette opération, en faisant disparaître les sujets les plus grêles, compromettrait le maintien de la forêt jardinée dans laquelle les tiges faibles sont destinées à former plus tard les gros arbres.

Le jardinage est donc un mode de traitement simple et de facile application. Les forêts du Mont-de-la-Croix et de la Fuvelle, séparées par une cluse étroite qui livre passage à la rivière du Doubs à 20 kilomètres au-dessus de Pontarlier, sont au nombre de nos plus belles sapinières. Situées à 900 mètres au-dessus de la mer, reposant sur un sol formé principalement de blocs calcaires entre coupés de fentes verticales appelées lazines, ces forêts ont toujours été jardinées, mais avec modération, jusque vers l’année 1840. Les épicéas et les sapins que nous y exploitons, proviennent donc du jardinage ; ce sont néanmoins de beaux et bons arbres, qui donnent des sciages de première qualité. La production annuelle du massif complet est là de 6 mètres cubes environ par hectare, dont 5 mètres cubes de bois d’œuvre, ce qui au prix actuel correspond, à un revenu de 150 francs par an.

Le mode d’exploitation à tire et aire est encore appliqué aux bois taillis. L’ordonnance des eaux et forêts de 1669 en avait aussi généralisé l’application dans les futaies en vue d’assurer l’ordre rigoureux des exploitations. Il consistait surtout à asseoir les coupes par contenances égales, de proche en proche, sans rien laisser en arrière et en réservant dix arbres par arpent, soit vingt par hectare. Dans les futaies de bois feuillus appartenant au domaine de l’état, ce mode a été appliqué jusque vers l’année 1830 ; mais les coupes à tire et aire, véritables coupes blanches, ne sauraient être mises en pratique dans les forêts de sapin sans en amener promptement la ruine. Les jeunes plants de cette essence existans sous les vieux massifs sont bien trop délicats pour résister à l’état découvert qui