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d’énormes roches en pénétrant dans les fissures où elles trouvent fraîcheur et appui ; mais c’est surtout l’état serré du massif qui permet au sapin de résister aux intempéries dans les montagnes ; c’est aussi grâce à cet état que l’essence donne, avec des tiges nombreuses, des fûts de grande longueur et du bois d’excellente qualité.

Les épicéas, comme les sapins, sont représentés dans les différentes parties du monde par des espèces variées. L’Europe a l’épicéa commun, dit aussi élancé. « Le plus élancé de tous les arbres d’Europe, dit Endlicher, l’épicéa formé de vastes forêts aux cimes élevées et à sol nu sous leur épais feuillage. » Dans la région du Caucase, on trouve l’épicéa d’Orient, de dimensions plus faibles. L’Asie centrale a le khutrow, épicéa pleureur d’un port charmant et d’une taille au moins égale à celle du nôtre. La sapinette blanche et la sapinette noire du Canada sont de petits arbres ; mais l’épicéa de la Colombie anglaise, picea Menziesii, a d’assez belles dimensions, comme la plupart des arbres qui vivent sur le versant américain du Pacifique.

Notre épicéa, en français la pesée ou l’arbre à poix, en allemand fichte, d’où les dénominations suisses de fie ou de fuve, est généralement connu, même hors de sa station, Sa flèche toujours aiguë, ses rameaux inclinés et ses formes gracieuses en font le type ordinaire des dessins et gravures représentant des arbres résineux ; : c’est lui aussi qui est le plus abondamment planté dans les pelouses attenant aux habitations. Il est très différent du sapin. Sur ce dernier, les rameaux et ramules sont étalés en des plans horizontaux ; sur les épicéas, lèe ramules nombreux et pendant en festons alourdissent les branches ; celles-ci fléchissent sous le poids, surtout en leur milieu, où sont suspendus les plus longs ramules et se relèvent en arc par leur extrémité qui cherche la lumière.

Cette essence, s’accommode de l’état isolé comme du massif. C’est elle qui dans les pâturages élevés formé généralement ces arbres branchus jusqu’à fa base, ces wettertannen de la Puisse allemande, qui servent d’abri aux troupeaux contre le soleil et la pluie. Il est certains épicéas sous lesquels il n’arrive jamais une goutte d’eau. Dans des conditions de végétation difficile, l’épicéa isolé buissonne et reste nain. L’hiver, la neige vient l’entourer en laissant au-dessous, du buisson une petite chambre où le lièvre aime à se réfugier. Pendant l’été, la forêt d’épicéa, la fuvelle exhale une odeur caractéristique et agréable. La consistance en est très inégale et souvent on passe des pâturages découverts à la forêt pleine par des clairières nombreuses. Entre ces clairières, les tiges se rapprochent en groupes épais qui bientôt se rejoignent, et derrière eux les grands arbres forment souvent les plus complets massifs. Les vides sont couverts d’un gazon serré, dans lequel croît la morille, un