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froideur dans l’entretien où il annonce à Marie son irrévocable résolution !

MARIE.

O Philippe, faut-il donc que vous partiez ?

PHILIPPE.

Madame, il le faut.

MARIE.

Quand un mari et une femme se séparent, c’est comme si un cœur se fendait ; cette moitié flotte d’un côté, et celle-ci de l’autre.

PHILIPPE.

Vous dites vrai, madame.

MARIE.

Il me semble que, si vous vouliez le retarder un jour de plus, je pourrais mieux m’habituer à supporter votre départ ; ne le voulez-vous pas ?

PHILIPPE.

Madame, il suffit d’un jour pour perdre ou pour sauver un royaume.

MARIE.

Il suffit d’un jour aussi pour empêcher un cœur de se briser.

PHILIPPE.

Eh bien, Simon Renard, pouvons-nous nous arrêter un jour ?

SIMON RENARD.

Un jour de plus ne portera point de préjudice, autant que je puis voir, aux affaires de votre grâce.

PHILIPPE.

Un jour de plus donc pour plaire à votre majesté.

MARIE.

Un rayon de soleil passe encore à travers ma vie. Oh ! si cette séparation, Philippe, vous faisait éprouver ce que j’éprouve.

PHILIPPE.

Je prends saint Jacques à témoin que sur mon honneur et ma foi d’Espagnol je suis excessivement peiné de quitter votre majesté. Simon, le souper est-il prêt ?


Voilà l’aimable époux que Marie en est réduite à regretter. Quand il reviendra, elle ne réussira pas davantage à le retenir. Une fois qu’il aurait obtenu d’elle la promesse de déclarer la guerre à la France et de reconnaître Elisabeth comme héritière, il s’en ira pour jamais. Tout échappe à la fois à Marie Tudor ; les supplices n’ont pas converti le royaume, les sacrifices d’hérétiques n’ont pas touché le ciel, et Philippe la hait. Ce dernier coup est le plus sensible de