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WYATT.

Quelles nouvelles au dehors, William ?

WILLIAM.

Rien de bien neuf, sir Thomas, et rien de bien vieux, sir Thomas. Ce n’est pas une nouvelle bien fraîche que l’arrivée de Philippe, qui vient épouser Marie ; et ce n’est pas une vieille nouvelle que cela déplaît à tout le monde. Cela aurait aussi déplu au vieux sir Thomas. Les cloches sonnent à Maidstone, votre seigneurie les entend-elle ?

Sir Thomas les entend bien, mais ce n’est pas encore le moment de se remuer. Avant, comme il le dit, de mettre le feu à la mine, il s’occupe à recueillir les papiers de son père, à transcrire les sonnets du vieux poète de cour, ces sonnets qui vivront encore quand, séditions et révoltes, tout le reste sera oublié, tandis que le serviteur affaibli par l’âge repasse les souvenirs de sa jeunesse et vante le maître qui n’est plus :

WILLIAM.

Oui, c’était un bel homme de cour. Toutes les femmes l’aimaient. Je l’aimais aussi, et je l’accompagnais en Espagne. En Espagne, je n’ai jamais pu manger ; en Espagne, je n’ai jamais pu dormir. Je hais l’Espagne, sir Thomas.

WYATT.

Mais, si j’ai bonne mémoire, tu as pu boire en Espagne ?

WILLIAM.

Sir Thomas, nous pouvons leur accorder le vin. Le vieux sir Thomas leur accordait toujours le vin.


Cependant une lettre chiffrée de Courtenay prévient Wyatt qu’il n’y a plus un instant à perdre pour tenter le coup. Wyatt ouvre alors la fenêtre, s’adresse en termes brûlans aux paysans du comté, que l’inquiétude a rassemblés dans le parc, et son éloquence toute populaire les entraîné. On connaît la fin de l’insurrection. Wyatt entra dans Londres, mais deux heures trop tard pour le succès de son entreprise. L’alarme n’en avait pas moins été très vive dans l’entourage de la reine. Simon Renard commençait à dire qu’il valait mieux renoncer à l’alliance projetée. Ce fut Marie qui se sauva elle-même par son intrépidité. Le poète nous la montre dans Guildhall, où elle vient demander des secours au lord-maire et aux bonnes gens de Londres. C’est la contre-partie de la scène précédente. Elle proteste avec la fourberie la plus naïve qu’elle n’est pas aussi pressée de se marier que l’on croit, qu’elle a vécu dans la virginité, qu’elle y peut vivre encore, avec l’aide de Dieu, et que, si son mariage