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livrer plus imprudemment que ne le fait Charles Stockmar lorsqu’il expose ainsi le programme du prince Léopold : « Le prince est décidé, il se fera honneur de répondre à l’appel des puissances. Il y met pourtant deux conditions expresses : la première, c’est qu’on assure à la Grèce les frontières dont elle a un besoin absolu pour avoir une place dans le concert européen et y jouer un rôle utile ; la seconde, c’est qu’on aide le roi de Grèce à régénérer la nation hellénique, à la retirer du profond abaissement matériel et moral où l’ont jetée des siècles de servitude. Ce n’est pas tout ; alors même que le prince aurait pleine satisfaction sur ces deux points, ce n’est pas sur l’invitation des diplomates russes, français, anglais, qu’il peut s’adresser aux puissances et leur dire : Me voici, je suis prêt ! Non, c’est à la Grèce elle-même de parler, c’est à la Grèce de faire appel aux puissances et de leur demander pour roi le prince Léopold. Le prince désire que cette manifestation du peuple grec ait lieu le plus tôt possible. Alors, si les puissances demandent des explications, ce sera pour lui le moment de déclarer à quelles conditions il trouvera convenable d’accepter la couronne. Ces conditions, le prince les posera dans l’intérêt de la Grèce, et je ne doute pas qu’il ne réussisse à mettre d’accord sur ces divers points les vues les plus opposées des puissances. »

Ainsi, trois questions, les frontières, les finances, une sorte d’appel national, tels étaient les problèmes à résoudre pour répondre aux exigences du prince. Les deux premières conditions regardaient les puissances, la troisième concernait la Grèce. Voilà une affaire un peu compliquée dès le début. Le comte Capodistrias ne s’en plaint pas, un point de départ plus simple l’aurait fort inquiété. « Vos déclarations, dit-il au représentant du prince, me sont très agréables, et je m’emploierais bien volontiers à faire ce que désire le prince Léopold si les termes du protocole du 22 mars ne s’y opposaient d’une façon absolue. » Il faut se rappeler en effet que la conférence de Londres venait de prendre une décision grave au sujet de l’établissement du royaume de Grèce. Le protocole du 22 mars 1829 contenait ces trois points : 1o La Grèce, sous la suzeraineté de la Porte, à laquelle elle paiera un tribut, sera régie par un prince chrétien à titre héréditaire. Ce prince ne sera choisi dans aucune des familles régnantes des trois puissances alliées ; le choix sera fait par le commun accord des trois cours et de la Porte. 2o La ligne septentrionale des frontières de la Grèce sera tracée du golfe Vola au golfe d’Arta. L’île d’Eubée et les Cyclades feront partie de la Grèce. 3o Les Grecs cesseront immédiatement les hostilités et retireront leurs troupes en deçà de l’isthme. « Vous le voyez, disait le comte Capodistrias à Charles Stockmar, la Grèce, d’après cette