Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/640

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

signalé à l’histoire générale de la maison d’Autriche et même de l’Europe.

Ce n’est pas là une exception, fort heureusement : pour être nationale, la culture intellectuelle des Hongrois n’est pas étroite et exclusive. L’académie, assez richement dotée, continue plusieurs séries de publications qui apportent les contributions les plus précieuses à la science européenne. Les érudits magyars, qui fouillent les bibliothèques et les archives trop dispersées de leur pays, savent aussi consacrer des années de travail au dépouillement des collections italiennes, allemandes, françaises, belges, anglaises, et si même alors ils se préoccupent avant tout de ce qui peut illustrer le passé du royaume natal, le passé des états ennemis ou alliés de la Hongrie en reçoit d’utiles éclaircissemens. Par exemple, l’histoire de la maison d’Anjou à Naples et en Pologne, celle même de notre diplomatie au temps de Louis XIII ou de Louis XIV s’explique mieux grâce aux recherches de MM. Szilagyi, Wenzel et Simonyi. Les études philologiques de M. P. Hunfalvy et de M. Budenz intéressent l’Europe orientale et même l’Asie, tandis que les travaux géographiques de M. J. Hunfalvy et de M. Keleti fournissent de précieux termes de comparaison à la statistique européenne tout entière. Les Magyars comprennent à merveille l’utilité des échanges avec les littératures étrangères : tandis qu’à Pesth M. Greguss enseigne l’esthétique générale et que M. Szasz traduit Molière, à Paris M. de Djfalvy enseigne les langues finnoises, comme il y a vingt ans M. Iranyi nous racontait dans notre langue les grands événemens de la dernière révolution.

Telle est l’activité intellectuelle du peuple magyar, telles sont les œuvres récentes dont leur sont redevables la science européenne et le public sérieux. On conviendra qu’une nation peu nombreuse capable de tels travaux ne saurait être rangée parmi les nations en décadence. Notre but était de dresser en quelque sorte le bilan de la Hongrie actuelle et d’en tirer une conclusion pour son avenir. Cette conclusion, la voici : les Magyars ont des défauts et ils subissent des épreuves ; mais leurs ressources sont plus grandes que leurs épreuves et leurs qualités plus grandes que leurs défauts. Nul peuple aussi peu nombreux n’est aussi vivace, et les prédictions de leurs ennemis ne les empêcheront pas de fournir une nouvelle carrière de progrès.


EDOUARD SAYOUS.