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il est à souhaiter que les principaux traits de notre esquisse ne soient pas démentis par l’avenir ; il est à souhaiter que la Hongrie, avec sa tolérance laborieusement acquise, surprenne agréablement les esprits fatigués du spectacle de passions religieuses plus ou moins sincères, que ce spectacle ne réjouit guère et qu’il édifie encore moins.

Le patriotisme, qui est assez fort pour apaiser les passions confessionnelles, est aussi le trait dominant de la vie intellectuelle des Magyars. Aucune nation ne possède une littérature plus nationale, qui ait présenté ce caractère à un plus haut degré dès l’origine et qui le conserve davantage aujourd’hui. Nous avions l’honneur de prendre part il y a quelques mois, comme membre étranger, à la séance annuelle de l’académie royale : les membres du bureau, les orateurs inscrits à l’ordre du jour et une partie de l’assemblée portaient le grand manteau de fourrures, le long sabre recourbé et le bonnet surmonté d’une aigrette qui dans tous les livres illustrés constituent l’image du Hongrois. Les sujets traités dans cette séance avaient tous le rapport le plus direct avec l’histoire, la politique et la science régnicoles. Dans le banquet qui fut ensuite célébré sous la présidence d’un orateur jurisconsulte, M. Csengery, les discours et les toasts saluèrent des noms nationaux et des œuvres nationales, deux noms en particulier, celui de M. Toldy, l’historien de la littérature magyare, déjà souffrant du mal qui devait l’emporter au commencement de l’hiver ; celui de M. Fogarassy, qui venait d’achever avec ses collègues le grand dictionnaire de l’académie, presque aussi volumineux, presque aussi riche que celui de M. Littré. Plus les difficultés spéciales de la langue et le petit nombre de ceux qui la parlent restreignent la publicité de pareilles œuvres, plus, dans ces étroites limites, on est disposé aux sacrifices nécessaires pour les soutenir.

Les présidens et les secrétaires des sections de l’académie sont tous des hommes qui ont rendu et qui continuent de rendre des services à leur pays dans le domaine littéraire : des poètes tels que MM. Arany et Gyulai reflètent dans leurs œuvres le génie particulier de la race et contribuent à le conserver pur tout en l’excitant au progrès. M. Horvath a écrit l’histoire de la Hongrie et de ses dernières révolutions. M. F. Pulszky dirige le musée national, dont il a fait une belle collection destinée à être visitée par les savans de toute l’Europe lors du prochain congrès archéologique ; les monumens de l’épigraphie romaine ont été expliqués par M. Romer et par notre concitoyen M. Ernest Desjardins. Enfin M. Fraknoi a entrepris la publication de tous les actes relatifs aux diètes hongroises dans les trois derniers siècles, rendant par là un service