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que l’évêque de la petite ville de Szathmar reçoit chaque année de ses fermiers près de 300,000 francs. Le clergé grec oriental, qui porte un costume tout différent, a son patriarche indépendant, qui réside à Carlowitz. Les évêques grecs-unis sont moins riches que leurs collègues catholiques romains ; l’un d’eux n’a ait guère d’autre revenu, sous l’ancien régime, que certains droits féodaux sur les boissons, et il disait à ses paroissiens : « Buvez, mes amis, buvez, mais avec modération. » Nous avons visité le palais épiscopal d’Ungvar, la cathédrale, où le culte se célèbre comme dans les églises russes, mais sous la suprématie romaine, et le séminaire où étudient les futurs popes, vêtus comme leurs professeurs de longues robes bleu de ciel. Un de ces maîtres nous adressa des questions que notre ignorance du ruthène et sa manière de prononcer les autres langues ne rendaient pas faciles à comprendre ; la lumière jaillit tout à coup au milieu d’une phrase latine : ce prêtre bleu des Carpathes voulait avoir des nouvelles de M. Gambetta.

Si les églises romaine, grecque et grecque-unie ont les institutions distinctes et les ressources qui leur conviennent, il en est de même des églises protestantes, réformée et luthérienne. Elles ont toutes deux une existence légale et officielle, mais elles ne reçoivent de l’état aucun subside, et elles sont dispensées de sa tutelle et de sa protection. Leur régime intérieur reposé sur l’élection à divers degrés pour les paroisses, les séniorats ou consistoires et les synodes de cercle, ceux-ci présidés par un premier pasteur ou surintendant et par un membre laïque, lequel est, pour le cercle réformé de Pesth, l’ancien premier ministre, le comte Lonyay. Ces différens ressorts du régime le plus libéral que puisse posséder une société religieuse fonctionnent avec ordre et simplicité. Il y a des conseils d’église tels que celui de Debreczin, la principale ville réformée, qui sont de véritables assemblées, et qui ont contribué autant que les institutions politiques à entretenir dans la nation magyare l’esprit libéral et viril sans lequel un peuple ne vaut pas la peine d’être nommé.

L’avenir respectera-t-il les mœurs confessionnelles dont nous venons d’indiquer le tableau ? Il est probable qu’elles se modifieront peu à peu, non point par un progrès dans la tolérance entre les différens cultes, laquelle ne laisse plus rien à désirer, mais par l’absolue liberté de conscience, par l’absolue laïcité de la loi. Déjà l’enseignement a cessé d’être exclusivement confessionel, et il est question de rendre le mariage civil obligatoire ; sans doute il sera bientôt légalement permis de ne se rattacher à aucune des religions établies. Sans vouloir réclamer contre des changemens qu’amène la force des choses, et dont la plupart sont de véritables progrès,