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paraissent encore encourageans pour leurs espérances ou leurs rancunes. En dehors même des sujets non magyars de la couronne de Hongrie, Slaves, Germains ou Roumains, en dehors des contrées voisines et rivales, certains défauts des Magyars, comme aussi certaines circonstances dont ils ne sont pas responsables, ont irrité contre eux une bonne partie de la presse européenne, en particulier plusieurs journaux français. Le moment semble venu de nous demander, en laissant de côté tout parti-pris, quel est l’avenir de la Hongrie. Sans nous perdre dans des détails, et en recueillant les renseignemens que nous fournit l’histoire, complétés par les données d’un récent voyage, nous allons interroger la vie politique, les intérêts économiques, la situation religieuse et intellectuelle de ce noble et souvent malheureux pays.


I

Les Magyars sont peut-être, s’il est permis de s’exprimer ainsi, le peuple le plus électoral qui existe. Nulle part on ne se préoccupe autant des élections. avant, pendant, après, et d’une façon presque permanente, car à peine une élection a-t-elle produit ses résultats que l’on pense déjà à l’élection prochaine. Au moment même de ces solennités nationales, c’est une sorte de fièvre qui, par les accidens déplorables qu’elle cause, n’a pas été sans attirer sur ce peuple les reproches les plus mérités. Les violences célèbres de certaines élections britanniques ou américaines sont alors dépassées : il y a eu en plusieurs endroits autour du scrutin des rixes sanglantes suivies de morts d’homme. Le vin, qui est capiteux et à très bon marché, est prodigué dans ces occasions, et contribue à exaspérer les colères politiques et les rivalités personnelles. Du reste les Magyars, qui ont beaucoup de rapports avec les Anglo-Saxons, leur ressemblent aussi par leur respect pour les décisions de la législature une fois constituée, tandis qu’en France on a vu les crises révolutionnaires les plus redoutables précédées des élections les plus pacifiques. Néanmoins il est temps que de pareils scandales disparaissent des mœurs hongroises : c’est ce que ne semblent pas comprendre des hommes d’état très sérieux pourtant, lorsqu’ils parlent de ces coups de poing et de ces coups de couteau comme d’incidens prévus faisant partie intégrante du caractère national.

Toutefois il ne faudrait pas exagérer un pareil tableau en le généralisant, car il existe un grand nombre de comitats où tout se passe avec ordre, et dans les autres les combats meurtriers autour du scrutin sont heureusement exceptionnels. Il faut surtout comprendre que ce sont là des excès d’une chose bonne en elle-même,