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« Pour la première fois le carcan, la confiscation desdites espèces et matières, trois mille livres d’amende applicable moitié à notre profit et l’autre au dénonciateur. Et en cas de récidive les galères à perpétuité ; lesquelles peines auront lieu tant contre ceux qui auront offert ou donné que contre ceux qui auront marchandé, reçu ou acheté lesdites espèces ou matières à plus haut prix que celui auquel elles auront cours[1] ; et au cas qu’il fût prouvé que lesdites espèces ou matières auraient été surachetées dans le but de les faire sortir du royaume[2] ou les fournir aux faux fabricateurs, ils seront punis de mort. »


Des poursuites furent commencées à la suite des menaces portées par le Moniteur, mais le gouvernement eut honte du rôle qu’on lui faisait jouer, et il se désista.

Ce qui est pour le moins aussi fort, c’est que dans le code civil, qui est un des monumens de la sagesse moderne, il s’est glissé un article évidemment emprunté à la législation de l’ancien régime sur les monnaies. C’est l’article 1895 qui suppose que l’autorité a le droit de changer la teneur des espèces et d’en retrancher une portion du métal précieux, et qui prescrit qu’en pareil cas la personne à qui antérieurement serait due une somme serait tenue de se contenter des espèces affaiblies, en acceptant comme paiement régulier le nombre de pièces stipulé primitivement. Cette partie du code civil, promulguée en 1804, est postérieure à la loi des monnaies, et elle est contraire à tout ce qui s’était dit pendant l’élaboration de cette loi. Par un oubli bien surprenant, la contradiction, quelque flagrante qu’elle fût, ne fut pas remarquée quand le chapitre du code civil qui contient cet article fut discuté au conseil d’état et présenté au corps législatif.

En Angleterre, le gouvernement s’est comporté au sujet de la monnaie plus correctement que les gouvernemens du continent, car ceux de ses princes qui ont falsifié les monnaies sont en très petit nombre, et depuis les violences commises à cet égard par le roi Henri VIII, pour qui rien n’était sacré, et par son fils Edouard VI, tout ce qui est sorti de l’hôtel des monnaies de Londres a été d’une fabrication parfaitement orthodoxe. Cependant l’Angleterre a, dans le cours même du XIXe siècle, payé sous une autre forme son tribut d’aberration en matière de monnaies. Quelques années après que la Banque d’Angleterre eut suspendu (1797) le remboursement de ses billets en métal, on entreprit d’établir par l’autorité de la loi la parité absolue entre les billets de banque non remboursables et les espèces ; ce qui était aussi absurde en principe que la parité

  1. Cette offre, c’est-à-dire l’achat des espèces à prime, se faisait en 1856 et légitimement, pour l’argent. Antérieurement cela s’était fait pour l’or.
  2. Une grande partie des pièces d’argent achetées en 1858 était exportée.