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l’argent s’accentue davantage chaque année, et on peut croire que la valeur de l’argent ne se relèvera pas, à moins de la découverte peu vraisemblable de gisemens d’or plus rémunérateurs que ceux qu’on connaît présentement. Dans l’état actuel des choses, la baisse de l’argent a des causes notoires dont l’action ne paraît guère à la veille de cesser. Ce sont, tout le monde le sait maintenant, l’abondance des gisemens et leur richesse, et le perfectionnement des procédés et méthodes employés pour l’extraction des minerais du sein de la terre. En ce genre, on peut citer la substitution de la dynamite à l’ancienne poudre de mine et le percement de longues galeries d’écoulement pour assécher les mines et faire disparaître la gêne causée par les eaux affluentes, — la grande galerie Sutro, ainsi appelée du nom de l’homme persévérant et éclairé qui l’a conçue et a réuni les capitaux nécessaires pour l’exécution, en est un bel exemple, du plus grand effet, — puis l’introduction de l’amalgamation à chaud au lieu de l’amalgamation à froid, que tous les mineurs du Nouveau-Monde pratiquaient uniformément depuis qu’elle avait été imaginée en 1557 par Barthélémy Médina, et avec laquelle on dépensait beaucoup de temps et on laissait échapper une trop forte proportion de métal.

Devant ces faits irrécusables, le gouvernement devait modifier sa ligne de conduite. Deux propositions se recommandaient à lui et s’imposaient à sa sollicitude pour l’intérêt public La première est de présenter une loi pour la cessation de la fabrication des pièces de 5 francs, les seules qui soient réellement de la monnaie d’argent. La seconde consisterait à limiter la somme d’argent qui pourra entrer dans les paiemens à une centaine de francs par exemple, en se réservant de démonétiser plus tard l’argent, ainsi qu’on l’a fait en Angleterre. De ces deux mesures, la première était urgente, la seconde comportait un délai. Le gouvernement, par l’organe de M. Léon Say, ministre des finances, vient de présenter, à l’occasion de l’interpellation de M. de Parieu, un projet de loi moyennant lequel la première pourra être mise à exécution dès 1877.

Il n’est pas superflu de faire remarquer ici que la suppression du monnayage de l’argent, à laquelle le gouvernement vient fort sagement de se décider, ne sera pas un remède d’une efficacité absolue. Certaines éventualités pourraient exiger davantage. Il y a de par le monde une assez grande quantité de nos pièces de cinq francs qui circulent. Il y en a dans le Levant, il y en a dans l’Orient reculé. Il serait possible de nous les rapporter. Si la baisse de l’argent persistait telle qu’elle est aujourd’hui, ce serait lucratif. Or il se peut que non-seulement elle persiste, mais qu’elle s’accentue davantage. Et ce n’est pas tout. Il est à craindre qu’on ne nous en fasse de neuves avec l’argent extrait des mines. On les