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plus commode, auquel il eût été possible d’avoir recours, dans le cas où le rapport commercial des deux métaux viendrait à éprouver une modification notable, et qui eût sans frais rectifié la situation. C’était que, dans ce cas, un acte législatif modifiât la valeur des pièces d’or en francs, l’élevât à 20 fr. 50 cent, ou 21 fr., ou la réduisît à 19 fr. 50 cent, ou 19 francs, selon que l’or aurait monté ou qu’il aurait baissé relativement à l’argent. C’est un procédé auquel on a eu recours en Russie pour les pièces d’or appelées impériales et demi-impériales, sans qu’il soulevât aucune réclamation, parce que c’était motivé par le cours réel d’un des métaux par rapport à l’autre. Pour être mieux en mesure d’utiliser ce procédé, il eût été convenable de s’abstenir d’écrire sur le revers des pièces d’or la dénomination de 20 ou de 40 francs, suppression sans aucun inconvénient, car elle était consacrée par l’usage, puisque les louis de 24 et de 48 livres n’offraient aucune inscription de ce genre. On peut du reste soutenir que l’inscription dont il s’agit n’enlève pas au gouvernement le droit de modifier, comme il vient d’être dit, la valeur des pièces d’or en pièces d’argent. On a sujet de s’étonner de ce que Gaudin, esprit judicieux et pratique, ait répudié cet arrangement.

L’expérience a démontré à plusieurs reprises, depuis la loi du 7 germinal an XI, qu’il est impossible de faire rester l’un à côté de l’autre, dans la circulation monétaire effective, les deux métaux, si l’on pose en principe que le rapport entre eux sera immuable. Nous sommes séparés de l’an XI par trois quarts de siècle environ. Pendant cet intervalle, le rapport des deux métaux dans le commerce a varié en divers sens, et il est résulté trois crises, ou, si l’on veut, trois oscillations qui ont produit trois émigrations successives, tantôt de celui-ci, tantôt de celui-là.

Peu d’années après 1803, l’or a monté assez pour que le rapport de l’or à l’argent fût exprimé par un nombre notablement plus fort que 15 1/2. Un document très digne de foi, le rapport adressé en 1839 par MM. Dumas et de Colmont à la grande commission des monnaies qui délibérait alors, contient un relevé des variations de la relation entre les deux métaux, année par année, depuis 1803. On y voit qu’en 1807 le nombre 15 1/2 est remplacé successivement par 16,228, — 16,190, — 16, et que 16 persiste jusqu’en 1812. L’écart était ainsi de 3 pour 100, tandis que les frais de refonte n’étaient que d’un 1/2 pour 100. L’or s’en allait ou se cachait. On n’en apportait plus au monnayage, et les pièces d’or étaient devenues en France une marchandise faisant prime, qu’on allait acheter chez les changeurs quand on avait à voyager. La circulation se composait exclusivement de pièces d’argent. Ainsi déjà sous le premier empire, et pendant que Gaudin restait ministre des finances,