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Sous le directoire, les deux conseils avaient repris la question dans le dessein d’écarter cette difficulté, mais la machine législative fonctionnait alors très mal. On s’était rallié à la combinaison qui eût consisté dans la fixation semestrielle du rapport entre les pièces d’or et celles d’argent, d’après le cours respectif qu’auraient eu les lingots d’or évalués en argent pendant le semestre précédent. Cette fixation n’eût été obligatoire que pour le paiement des contributions, la solde des employés de l’état et l’acquit des dettes de gouvernement. Les deux conseils législatifs, les cinq-cents et les anciens, quoique d’accord sur le fond, ne surent pas se mettre d’accord sur la rédaction, et l’affaire restait en suspens quand eut lieu la révolution du 18 brumaire an VIII, qui engendra le consulat. Il est bon d’observer que le pays n’était pourtant pas absolument privé de monnaie d’or ; il restait une grande quantité de louis de 24 et de 48 livres, pièces d’oc de l’ancien régime, qui circulaient régulièrement, quoique n’étant pas en harmonie avec le système métrique, et qui étaient honnêtement fabriquées.

Dès les premiers mois de l’an IX, le gouvernement consulaire voulut résoudre la question des nouvelles pièces d’or. Le ministre des finances Gaudin adressa aux consuls un rapport détaillé où il traitait longuement, non-seulement de ce point spécial, mais de tout le système monétaire. Renonçant à avoir des pièces d’or d’un nombre rond de grammes, il proposa de faire des pièces d’or de vingt francs, portant ce nom gravé sur leur revers, et dont le poids, en fin, serait déterminé par cette règle que le rapport entre l’or et l’argent serait représenté par le nombre 15 1/2, de sorte que, si avec 1 kilogramme d’argent (contenant un dixième d’alliage) on faisait 200 francs, avec le même poids d’or, titrant de même neuf dixièmes, on ferait 3,100 francs. Pour tout le reste, il se tenait sur le même terrain que Mirabeau, la convention et les deux conseils des cinq-cents et des anciens, c’est-à-dire qu’il visait à la circulation simultanée des deux métaux, sous la réserve qu’un seul, l’argent, serait l’étalon. Dans les pièces d’or ainsi faites, Gaudin trouvait l’avantage d’éviter tout débat lors des marchés et des règlemens de compte où l’or figurerait ; mais il s’appliquait à faire comprendre qu’il ne considérait aucunement le rapport de 1 à 15 1/2 comme invariable. Il entendait et disait que de temps en temps, lorsque le rapport entre les deux métaux précieux en lingots aurait changé dans le commerce, les pièces d’or seraient refondues afin d’en mettre le poids en harmonie avec le cours comparé des deux métaux, la monnaie d’argent devant être absolument fixe dans sa teneur en métal. L’opinion de Gaudin sur la monnaie est exprimée en termes fort clairs dans divers passages de ses rapports ; nous n’en citerons qu’un, suffisant pour lever tous les doutes.