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même moment, dans le même pays, de mesure dans les échanges, parce qu’il faut que cette mesure soit perpétuellement la même et reste dans la même proportion de valeur. Prendre pour mesure de la valeur commerciale des choses des matières qui n’ont pas entre elles un rapport fixe et invariable, c’est comme si l’on choisissait pour mesure de longueur un objet qui fût sujet à s’allonger ou à se raccourcir. Il faut donc qu’il n’y ait dans chaque pays qu’un seul métal qui soit la monnaie de compte, gage des conventions, et la mesure des valeurs. »


Sir William Petty avait écrit un peu auparavant :


« La monnaie est la mesure uniforme de la valeur des choses. Le rapport entre l’or et l’argent se modifie selon que les entrailles de la terre offrent à l’industrie humaine plus de. l’un ou de l’autre ; par conséquent on n’en peut prendre qu’un pour faire de la monnaie. »


Le système de l’étalon unique était donc très clairement en germe dans les écrits de Locke et de Petty et pareillement dans ceux d’autres écrivains anglais dont nous nous abstenons de citer des extraits, notamment de Harris. Les dispositions essentielles du mémoire de Mirabeau ont inspiré en France le législateur et l’administration jusques et y compris les auteurs de la loi du 7 germinal an XI (28 mars 1803).

Les premières lois qu’ait produites la révolution française sur les monnaies furent l’œuvre de la convention. Elles composaient le système des monnaies des deux métaux précieux, indépendamment du billon en cuivre ou en métal de cloche, mais la base du système monétaire était le franc, pièce d’argent qui devait être invariable. On en avait mis le poids à 5 grammes en comptant dans le poids un dixième d’alliage. Sous le directoire, on a fabriqué près de cent millions en pièces de cinq francs sur cette donnée ; ce sont les pièces à l’effigie d’Hercule qu’on s’est remis à frapper à chaque retour de la république. On devait aussi avoir des pièces d’or, mais celles-ci étaient subordonnées à l’argent. La pièce d’or aurait pesé 10 grammes et sa valeur eût été fixée par le commerce, ce qui eût laissé la porte ouverte à des contestations dans chaque cas particulier. La monnaie fondamentale était donc bien l’argent. En d’autres termes, c’est à ce métal exclusivement qu’était dévolue la fonction d’étalon, quoique les deux métaux dussent, dans la volonté du législateur, circuler parallèlement. Quant à un rapport fixe entre l’argent et l’or, on en était aussi éloigné que possible. L’incertitude sur la valeur de la monnaie d’or relativement à celle d’argent parut au public un inconvénient tellement grave, qu’aucun détenteur de lingots d’or n’apporta sa marchandise à l’Hôtel des monnaies pour la faire frapper.