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Les délégués des quatre états de l’union, réunis en conférence, sauf la Grèce, qui n’y parait pas, se demandent chaque année ce qu’il faudrait faire. Un des délégués de la France, qui avait eu le principal rôle dans l’acte même de la convention, M. de Parieu, a abordé la difficulté de front, et émis l’avis qu’on devait s’attendre à un changement très marqué dans la valeur respective des deux métaux, à cause de l’effort que faisait la population si intelligente et si entreprenante des États-Unis pour extraire l’argent des mines exceptionnellement riches, distribuées en grand nombre dans les vastes territoires récemment annexés à la grande république américaine sur le versant de l’Océan-Pacifique. D’où il conclut que le système monétaire fondé sur l’emploi simultané et parallèle des deux métaux, avec un rapport fixe entre eux, c’est-à-dire le système même adopté par l’union latine, est miné à la base, et qu’il conviendrait de se rallier au programme suivi depuis 1816 par l’Angleterre, qui n’admet plus de monnaie qu’en or, sauf à utiliser l’argent pour en faire du billon.

La proposition de M. de Parieu, quoiqu’elle date déjà de quelques années, et qu’il la renouvelle à chacune des réunions annuelles de la conférence des quatre états, n’a pas encore eu de succès. La Suisse dit oui très résolument par l’organe de M. Kern, ministre de la Suisse à Paris, et de M. Feer-Herzog, vice président du conseil national, mais elle est seule à tenir ce langage ; la Belgique dit non, par deux raisons qui sont au-dessous du médiocre, et l’Italie de même. La majorité des représentans de la France dans la conférence vote comme la Belgique et l’Italie ; les hommes qui composent cette majorité, et ont un grand mérite chacun dans sa spécialité, sont médiocrement familiers avec l’économie politique. Tout ce qu’il a été possible d’obtenir de la conférence, c’est que dans chacun des états la fabrication des pièces de 5 francs en argent serait limitée à une somme déterminée, et il est juste de dire que cette somme va en décroissant. Pour 1876, ces autorisations sont : France 54 millions, Italie 36 millions, Belgique 10,800,000 francs, Suisse 7,200,000 fr., Grèce 12 millions, total 110 millions au lieu de 150 millions qui avaient été permis en 1875.

Cependant les événemens marchent, et les faits se prononcent de plus en plus, l’argent baisse constamment de valeur, il perd en ce moment 12 pour 100, ce qui est énorme. Les gouvernemens étrangers à l’union latine s’émeuvent ; depuis quelques années même ils agissent. Naguère l’Angleterre était la seule avec le Portugal qui eût adopté l’étalon d’or : aujourd’hui le législateur s’est prononcé de même dans des états tous renommés pour les lumières de leurs gouvernemens, et dont plusieurs sont du premier ordre par leur