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qu’un étalon qui est en argent, a voulu deux monnaies légales, Les deux-métaux en effet, en vertu de la loi régulièrement interprétée, sont admis à circuler l’un à côté de l’autre et à payer, l’un aussi bien que l’autre, toute dette, quel qu’en soit le montant ; mais la loi ne reconnaît de fixité qu’aux pièces de monnaie d’argent. Les pièces de 20 et de 40 francs, les seules qu’on fit d’abord, pouvaient et devaient, dans la pensée du législateur, varier de teneur conformément aux variations respectives des deux métaux dans le commerce, afin qu’elles fussent toujours l’équivalent de 20 ou de 40 francs en argent.

Ces préliminaires posés, essayons d’introduire le lecteur dans la discussion qui s’est engagée par la force des choses, et où les intérêts de la France entre autres sont fortement en jeu. Depuis le rétablissement de la paix, il y a soixante ans, l’Europe est en enfantement d’une organisation monétaire supérieure à celle d’autrefois. La, grande variété des monnaies qui y circulaient et qui était un obstacle aux transactions, outre que c’était un grand ennui pour les voyageurs, tend à disparaître. Elle a fait place déjà à un nombre beaucoup moindre. On ne désespère même pas d’arriver un jour à une monnaie qui serait uniforme pour tous. Malheureusement ce dessein, très séduisant en soi, rencontre chez plusieurs nations du premier ordre des préjugés nationaux enracinés et intolérans, qui en retarderont l’accomplissement pendant bien des années encore, quelque simplification qu’on doive en attendre pour les opérations internationales du commerce, qui deviennent si étendues. Les Anglais tiennent extrêmement à leur livre sterling ; les Américains sont amoureux de leur dollar ; les Allemands, qui avaient de l’attachement pour leur florin ou leur thaler, ont consenti à se défaire de l’un et de l’autre, mais pour s’éprendre d’une nouvelle unité, le marc, qui est différente de toutes celles qu’ont les autres états. Les Scandinaves ont commis la même faute. Toutefois le mouvement de concentration est tel que, au lieu de trente systèmes monétaires, on n’en a plus que cinq ou six en Europe et dans l’ensemble de la civilisation occidentale ou chrétienne ; mais on devrait n’en avoir qu’un, et l’on y tend bon gré mal gré.

La France a pris part à la transformation qui a eu lieu par l’association monétaire qu’elle a formée le 23 décembre 1865 avec trois états continentaux qui sont ses plus proches voisins, l’Italie, la Belgique et la Suisse. On y a même joint un petit pays, séparé de nous par une distance considérable, la Grèce, qu’on a accepté apparemment pour être plus en nombre, quoiqu’à cause de son état économique elle n’ajoute aucune force à l’association, et que même elle puisse la compromettre. Cette association s’appelle l’union latine. Les états qui y sont avec nous ont adopté notre système