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I

Avant de s’engager dans un débat sur les monnaies, il est bon de s’entendre sur le sens exact des mots qu’on y emploiera. Disons d’abord ce que c’est que la monnaie. Ces disques d’or ou d’argent sont des marchandises aussi bien que peuvent l’être du fer, ou du plomb, du blé ou de la viande. C’est parce que les pièces de monnaie sont des marchandises que, dans toutes les contrées, on les accepte sans conteste ni hésitation en paiement quand on vend, ou on les donne avec la certitude qu’elles seront reçues quand on achète. Dans ces opérations, elles figurent juste en quantités telles que ce soit l’équivalent exact de la chose achetée ou vendue.


Nul, dans les temps modernes ni dans les temps anciens, n’a défini la monnaie mieux qu’Aristote, dont voici les paroles :


« On convint, dit-il, de donner et de recevoir dans les échanges une matière qui, utile par elle-même, fût aisément maniable dans les usages habituels de la vie ; ce fut du fer par exemple, de l’argent, ou telle autre substance dont on détermina d’abord la dimension et le poids et qu’enfin, pour se délivrer des embarras d’un continuel mesurage, on marqua d’une empreinte particulière, signe de sa valeur. »


En un mot, les pièces de monnaie sont des lingots de métal et fonctionnent en cette qualité ; mais ces lingots sont certifiés par l’état. Le certificat est rendu apparent par l’empreinte que seul le gouvernement a le droit de donner aux métaux précieux. Le certificat résulte aussi du contrôle que le gouvernement exerce à ses frais sur la fabrication de la monnaie[1], afin que chaque pièce en particulier ait le poids et le titre spécifiés par la loi. On désigne par le mot titre le degré de finesse du métal, c’est-à-dire la proportion du métal pur qu’offrent les espèces monnayées. En France, ce degré s’exprime indifféremment en dixièmes ou en millièmes. Les monnaies françaises sont au titre de 9 dixièmes ou de 900 millièmes[2] et cette proportion se répand de plus en plus dans le monde civilisé. Il suit de ce qui précède que c’est une locution inexacte de dire que la monnaie est un signe : elle est bel et bien lîne substance qui figure dans chaque transaction à titre d’équivalent de l’objet acheté ou vendu.

Dans chaque état, on adjoint aux monnaies proprement dites des

  1. Le monnayage, en France et dans la plupart des pays, se fait à l’entreprise par des entrepreneurs d’industrie qu’on appelle directeurs, et qui sont tenus de monnayer les matières que les particuliers leur apportent en prélevant pour leurs frais une très petite fraction, fixée par l’état, de ces matières.
  2. On ne peut employer au monnayage l’or et l’argent à l’état de pureté. Ces métaux, quand ils sont purs, sont mous et s’usent facilement ; l’alliage les durcit.