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de l’initiative personnelle. Il eut l’occasion d’en donner la preuve dans une affaire d’importance presque aussitôt qu’il eut assumé les nouvelles fonctions qui lui étaient confiées. On commençait à beaucoup parler des chemins de fer, il y en avait déjà quelques lignes en Angleterre, l’Irlande n’en possédait pas encore. Sur l’initiative du marquis de Lansdowne, la chambre des lords demanda au gouvernement d’instituer une commission de personnes compétentes pour examiner l’état des voies de communication en Irlande et étudier les avantages que ce pays retirerait de la création d’un réseau de voies ferrées. Cette commission fut bien composée; outre le colonel Burgoyne, il s’y trouvait M. Griffith, un éminent géologue, et M. Barlow, professeur à l’académie de Woolwich, dont les découvertes en physique et en mécanique sont connues. Bien qu’il n’y eût guère de chemins de fer à cette époque, les gens prévoyans comprenaient déjà qu’il n’était pas sans inconvénient d’abandonner à des spéculateurs le soin de développer cette admirable invention. En dressant d’avance un plan bien conçu, en réunissant sous une même direction les entreprises rivales dont la concurrence pouvait être préjudiciable au public, on risquait moins de gaspiller les ressources de la nation, et l’on devait arriver plus promptement à desservir les régions peu favorisées. La commission de 1836 étudia la question des voies ferrées à ce point de vue, et elle en fit de volumineux rapports qui ne manquèrent pas d’attirer l’attention. Peu de personnes admirent les conclusions des commissaires, tant elles étaient en désaccord avec les opinions courantes sur ce sujet. On était alors dans la fièvre des chemins de fer, la concurrence illimitée était le mot d’ordre du jour; on imaginait que le monopole entraverait tout progrès, découragerait toute initiative. Cependant le ministère présenta à la chambre des communes un bill pour l’exécution des mesures proposées par la commission. Les dispositions en étaient peu compliquées, il s’agissait d’autoriser le gouvernement à émettre des bons de l’échiquier dont le produit servirait à construire les chemins de fer d’Irlande; l’intérêt à 3 1/2 pour 100 et l’amortissement calculé sur le taux de 1 1/2 pour 100 devaient être payés, à défaut d’un produit net, par une taxe spéciale sur les comtés que les lignes desserviraient. La première ligne projetée était celle de Dublin à Cork, et les travaux en devaient être exécutés par les soins du board dont Burgoyne avait la présidence. Les commissaires n’avaient pas d’ailleurs dissimulé leur opinion que les chemins de fer irlandais ne produiraient qu’un bénéfice net inférieur à 4 pour 100.

Le bill fut vivement combattu par sir Robert Peel, aux yeux de qui l’exécution de chemins de fer par l’état était une atteinte au principe économique sur lequel repose la prospérité commerciale du