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L'EMPIRE DES TSARS
ET LES RUSSES

II.
LES CLASSES SOCIALES[1]

I.
LES VILLES, LES MECHTCHANE, LES MARCHANDS ET LA BOURGEOISIE.

Le fait le plus saillant que présente à l’observateur français la constitution sociale de la Russie, c’est la répartition de la population en groupes distincts, en classes nettement déterminées, pendant longtemps on aurait presque pu dire en castes. L’histoire et la loi ont divisé le peuple russe en compartimens divers, superposés les uns aux autres comme des otages qui, de la base au sommet, iraient en se rétrécissant brusquement. La société russe offre ainsi à distance l’aspect d’une pyramide à degrés comme la pyramide de Saqqarah aux bords du Nil, chaque degré se partageant encore en gradins secondaires. A ne regarder que l’extérieur, cette société savamment distribuée en cadres réguliers paraît faite pour les hommes qui, dans la classification des différentes couches sociales, voient la première condition de la grandeur d’une nation, de la durée d’une civilisation. De loin, avec toutes ses dénominations et ses rubriques officielles, la Russie semble réaliser les rêves des

  1. Voyez, pour la première série de ces études, la Revue des 15 août, 15 septembre, 15 octobre 1873, 5 janvier, 1er mars, 1er mai, 15 juin, 1er novembre 1874, 1er mai et 1er juin 1875.