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REVUE. — CHRONIQUE.

entre un président prétendant à une couronne dont il pouvait sans peine démêler les passions ambitieuses, et des partis révolutionnaires qu’il avait sans cesse à réprimer, à combattre jusque dans le parlement, au risque de servir sans le vouloir, par une nécessité de paix sociale, une réaction dont il serait la première victime. Ce ministère, où M. Odilon Barrot avait pour collègue M. Dufaure, a été une lutte constante, courageuse, pour l’ordre sans doute, mais en même temps pour la liberté parlementaire, dont il était la dernière défense. Et ces révolutionnaires de 1848, eux aussi, prétendaient ne point laisser à la France le temps de respirer. Ils se faisaient un jeu d’entretenir l’agitation, cherchant à s’ériger en convention et à dominer le gouvernement, se mettant au-dessus de la constitution, qu’ils représentaient à tout instant comme violée par d’autres, et ils ne voyaient pas que par leurs tristes passions ils ne faisaient qu’ouvrir le chemin à l’empire !

Le jour où l’assemblée constituante de 1848, à bout de crises violentes, se décidait à abdiquer définitivement, le président de cette assemblée, M. Marrast, disait au doyen d’âge de l’assemblée nouvelle : « Puissiez-vous, plus heureux que nous, éviter les horreurs de la guerre civile et transmettre à vos successeurs le dépôt de la république aussi paisiblement que nous vous le remettons. » On sait ce qui en advint avec l’aide des partis révolutionnaires agitant sans cesse et alarmant la France. L’autre jour, M. le duc d’Audiffret-Pasquier disait à son tour aux doyens d’âge des deux chambres nouvelles : « Comme nous, vous voudrez rendre à vos successeurs le pays pacifié, prospère et libre. » Cette fois du moins le pronostic a plus de chances de se réaliser, à la condition pourtant qu’on ne recommence pas des fautes qui ont été cruellement expiées et que les partis modérés des assemblées s’efforcent de maintenir les garanties régulières d’une république honnête par la sécurité de tous les intérêts, par la liberté pour tous.

Voilà donc la guerre civile décidément terminée en Espagne. Elle s’est même dénouée au dernier moment plus vite qu’on ne le croyait. Les bataillons carlistes, serrés, harcelés de toutes parts, se sont dispersés; les uns se sont soumis et ont rendu leurs armes aux généraux du roi Alphonse, les autres se sont précipités vers nos frontières. Don Carlos lui-même n’a plus eu bientôt d’autre ressource que de passer en France avec ce qui lui restait de son armée. Le prétendant espagnol n’a pas manqué, selon l’usage, de faire ses adieux à ses soldats, et d’annoncer au monde par des proclamations solennelles qu’il renonçait, pour le moment, à la lutte, sans abdiquer ses droits, — qu’il voulait mettre un terme à une effusion de sang inutile. Il était bien temps! Don Carlos aurait été bien embarrassé de continuer la lutte, il n’avait plus d’armée, et, s’il ne s’était pas hâté de franchir la frontière, avant quelques jours il eût été prisonnier. C’est là même la grande différence entre la