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d’argent des confitures, des tasses de café et d’énormes cigarettes. Le salon, généralement planchéié en bois blanc, a été lavé la veille à grande eau, et des sièges nombreux y ont été symétriquement rangés le long des murs. Quand l’heure est venue, les amis arrivent en bande, entrent gravement dans la salle, et, passant devant le maître de maison ou sa femme, s’il est lui-même en visite, lui serrent la main en répétant ces seuls mots : eis eti polla, « vivez longtemps, » puis vont s’asseoir sans ajouter une parole, tous à côté les uns des autres. C’est alors qu’entrent les trois plateaux : sur le premier, chacun prend à son tour une cuillerée de confitures et un verre d’eau, une tasse de café sur le second, une cigarette sur le dernier. Cette cérémonie dure en moyenne trois minutes, après quoi toute la bande se lève en même temps, salue encore avec l’éternel eis eti polla, et sort pour aller recommencer ainsi dans toutes les maisons où il existe un George.

Le 1er mai, jour des fleurs, on se rend aux « jardins. » On appelle ainsi les enclos que possèdent tous les propriétaires de vignes au milieu de leurs champs, et où ils s’installent en été pour surveiller la récolte. On part de bon matin et l’on revient chargé de fleurs dont on orne la façade de sa maison. Ceux qui n’ont pas de propriétés partent la nuit avec les tavoulia, et, pénétrant dans les enclos, prennent les fleurs des autres ; c’est un cas où le vol est toléré comme un vieil usage.

L’Ascension, la Pentecôte, la fête du Saint-Esprit (Trinité) n’offrent pas d’intérêt spécial. Le 21 mai, jour de la Saint-Constantin et de sa mère sainte Hélène, est plus populaire et fêté en Grèce presqu’à l’égal de la Saint-George. Quinze jours de jeûne précèdent les fêtes des saints apôtres (saint Pierre et saint Paul) et de l’Assomption. Les mêmes cérémonies que celles dont nous avons déjà parlé se répètent ces jours-là tant à l’église qu’à la ville, mais on installe pourtant en outre sur une grande place des Panégyries, sorte de foires où règne la plus libre gaîté. La Toussaint n’est qu’une fête de l’église, et n’est importante que parce qu’elle est le précurseur du long jeûne qui précède Noël : un peu moins rigoureux que le carême, il est cependant une préparation suffisante aux festins et joyeuses débauches qu’amène cette grande fête. La Noël venue, on la célèbre pendant trois jours et souvent jusqu’au premier de l’an. La semaine se passe en longs repas et en divertissemens de toute sorte ; la pâtisserie et surtout le Christopsôma, pain de Noël, sont en grand honneur à cette époque, et toutes les maisons en sont amplement fournies.

Telles sont durant l’année les nombreuses fêtes qui distraient un peu les Grecs de leurs jeûnes et de la constante monotonie de leur