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qui s’accomplit ici au sujet des croyances de l’Occident. Le fanatisme étroit qui proscrivait a priori toute prédication comme un acte de rébellion, tend à disparaître chez les lettrés, mais le sens critique se donne carrière; on ne repousse plus, on examine, et, examen fait, on condamne. L’école nouvelle, qu’on serait tenté d’appeler rationaliste, et dont on peut suivre les développemens dans la presse quotidienne, ne se met guère en peine de défendre les dogmes bouddhistes, dont on voit bien qu’elle se soucie fort peu; elle s’applique surtout à attaquer le christianisme par des argumens dont aucun sans doute n’est bien nouveau, mais qu’il n’est pas moins étrange de rencontrer sous la plume de tels écrivains.

Les miracles font, comme on le pense bien, les frais de cette polémique. « Les missionnaires, dit l’un, nous prennent pour des barbares et des ignorans. Ils nous parlent de colonnes et de nuages de feu, d’êtres vivans dans des baleines, etc., et c’est avec cela qu’ils prétendent nous convertir; mais, miracles pour miracles, les nôtres ne sont pas plus absurdes que les leurs. » Les grands mystères de la théologie ne passent pas plus aisément au crible. « On a bien voulu m’apprendre, dit un autre controversiste, que le Christ était non pas un homme, mais le fils de Dieu, et que le Tout-Puissant l’avait envoyé pour racheter les péchés des hommes. Il y a là quelque chose que je n’entends pas : si Dieu est tout-puissant, s’il a créé et gouverne toutes choses, pourquoi n’a-t-il pas fait les hommes meilleurs dès le début? Mon précepteur officieux me répond que les hommes étaient bons à l’origine, mais qu’étant déchus de cet état, le Christ a été envoyé pour les rédimer. N’est-ce pas là tenir trop de compte de l’humanité? Si Dieu avait un tel pouvoir, il devait donner à l’homme la force de se maintenir dans sa perfection première et la faculté de résister au mal; cela eût épargné l’immense sacrifice nécessaire pour sa rédemption. » On voit qu’ici le raisonnement n’a pas encore pris sur lui d’abdiquer en présence des problèmes où s’abîme, confondue et humiliée, l’âme chrétienne. L’homme ne fait un tel sacrifice qu’à la foi de son enfance, et les croyans passent leur vie à se taxer de crédulité d’un culte à l’autre sans s’interroger sur eux-mêmes. La doctrine de la résurrection finale et du jugement dernier ne trouve pas grâce devant ces intraitables raisonneurs, « Pourquoi, se demandent-ils, Dieu, qui est assez puissant pour reconstituer les corps avec des cendres dispersées au vent, ne se contente-t-il pas d’envoyer les hommes directement au ciel ou au séjour des châtimens, sans les faire passer par l’épreuve de la mort?.. Ce jugement qui doit avoir lieu après la fin du monde, ne ressemblera-t-il pas à une tragédie sans spectateurs? »

Le plus important de tous ces manifestes antichrétiens est une