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aux kabyres de la Thrace, habite les solitudes et défend aux profanes l’approche des montagnes saintes. Kishi-mojin-sama n’est autre qu’un croquemitaine femelle dont on effraie les enfans avec une aussi sotte insistance que partout ailleurs.

Viennent ensuite sept kami, regardés comme les protecteurs spéciaux de l’empire des dieux, que la peinture et la statuaire reproduisent à satiété avec des attributs invariables, et qui sont familiers à quiconque a déroulé des kakémono ou regardé des boîtes de laque venant du Japon : ce sont Bishamon, patron des soldats, tout cuirassé, le casque en tête, la lance au poing, tenant dans la main gauche une petite pagode où sont renfermées les âmes des dévots qu’il est prêt à défendre, — Ben-ten, la déesse des arts et de l’habileté, sorte de Mercure femelle, très cultivée par les femmes, les marchands et les gens nombreux qui cherchent le plaisir ; on la représente la tête ceinte d’une couronne d’or, jouant du biwa, sorte de mandoline à quatre cordes et accompagnée de serpens dont elle est la protectrice ; aussi ses adorateurs se gardent-ils de tuer ce reptile. Daikoku, dieu des richesses et du commerce, se présente un maillet à la main, assis sur des sacs de riz. Yébisu est une personnification de Suzan, qui, chassé du ciel, se réfugia chez les marins dont il est le patron ; il tient à la main une ligne avec laquelle il vient de prendre un énorme tai, dont il s’amuse à agacer une grue. Fukuroku-jiu est un grand vieillard au front chauve et démesurément haut, à barbe blanche, qui s’appuie sur un bâton de voyage ; c’est le dieu de la longévité ; Hotei, protecteur des enfans, porte sur le dos un sac rempli de friandises pour ceux qui sont sages, et autour de la tête des yeux qui voient de tous côtés ceux qui ne le sont pas. Enfin Juro, monté sur un cerf et dieu de la prospérité, complète ce groupe populaire. On en use assez légèrement avec ces dieux moitié souverains, moitié bouffons ; il n’est pas d’irrévérence que la fantaisie des peintres ne se permette à leur égard : tantôt ils trônent en se tenant les côtes au milieu des nuages, tantôt ils se livrent sur un bateau en dérive à une orgie pleine d’abandon ; leur troupe joyeuse fait penser aux fameux éclats de rire de l’Olympe. Il faut nommer après ceux-là Inari-sama, qui protège l’agriculture ; c’est une sorte de dieu Pan, qui a un petit sanctuaire dans chaque propriété rurale, reconnaissable à son tori peint en rouge et gardé par deux renards de pierre qui se font face. Il a en effet les renards pour serviteurs dévoués ainsi que le serpent ; sa fête au second mois est une des plus bruyantes dont retentissent les environs d’Yeddo.

On honore encore sous le nom générique d’hotoké les saints qui ont échappé par une vie exemplaire à la loi de la résurrection. Au premier rang est Amida Butzu, ou Bouddha, ou Amatêras, plus connu sous le nom de Dai Butzu. Sa statue en pierre ou en bronze