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toutes les fois que la persécution n’est pas là pour maintenir entre les coreligionnaires le lien des terreurs communes. On en a compté jusqu’à quatorze principales, dont quelques-unes ont disparu peu à peu. Le trait distinctif de ces diverses sectes c’est d’avoir pour base, non pas une conception différente de la divinité, comme les hérésies de notre moyen âge, mais des règles de morale et de vie sensiblement variables; c’est dans la théorie de la destinée humaine qu’elles sont en désaccord. Tandis que celle de Hosho enseigne une complète indifférence pour les choses de ce monde, celle de Gusha conseille l’empire sur ses passions et ses sentimens; une troisième s’attache à démontrer l’absence totale de réalité dans les choses d’ici-bas. « La vie n’est qu’un rêve prolongé, les objets ne sont que des ombres trompeuses. » Quelques-unes ne se distinguent que par les pratiques qu’elles imposent à leurs prêtres ou les prières qu’elles exigent de leurs disciples. Les trois plus importantes de celles qui survivent sont la secte de Yodo, à laquelle appartenaient les shogoun, et qui a le dépôt de leurs tombes, celle de Monto et celle de Shoretzû. Les prêtres de Yodo s’interdisent le mariage, ils n’ont d’autre nourriture que des légumes, d’autre occupation que de répéter constamment la même prière : namra Mida Butzu (je prie Amida), en s’accompagnant d’une sorte de cloche ronde qu’ils frappent à coups de marteau. Ils professent que pour parvenir à la perfection il n’est pas nécessaire de se livrer à des spéculations philosophiques et que les exercices pieux suffisent; et certes si on fait résider le souverain bien dans l’abrutissement final, ils semblent fort près d’y atteindre. Ce sont eux qui desservent les temples de Shiba et de Nikko. Les sectateurs de Monto sont plus larges dans leurs idées, ils permettent le mariage à leurs prêtres et ne s’astreignent à aucun régime; ils recherchent pour. leurs temples des lieux fréquentés au milieu des villes et s’efforcent d’attirer à eux le plus de fidèles possible. Ils se consacrent particulièrement à Kannon, la bonne déesse, qui n’exige ni macérations, ni pénitences, ni pèlerinages, ni retraites solitaires, pour assurer aux hommes une place à côté de Bouddha. La prêtrise est chez eux héréditaire, et, à défaut de fils, se transmet au gendre ou à un héritier d’adoption; ils forment ainsi une sorte de caste qu’on a vue parfois prendre des allures belliqueuses. Leur culte est très brillant, très décoratif; leurs prières sont écrites dans une langue accessible au vulgaire et les fidèles en les prononçant doivent se couvrir la tête, de peur de laisser voir à la divinité quelque mauvais sentiment peint sur leur visage. La plus violente de toutes ces coteries est celle de Shoretzû, dont les prêtres s’imposent le célibat et la nourriture végétale; ils pratiquent l’examen de conscience et surtout la reconnaissance pharisaïque pour la Providence, qui ne les a pas fait naitre