Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après avoir traversé dans ce pays même des phases diverses et ne s’y être établi définitivement qu’au Ve siècle, il parvint en Corée et de là passa au Japon. C’est en l’année 552 après Jésus-Christ (1212 de l’ère japonaise) qu’un prince coréen présenta officiellement à la cour diverses idoles et quelques livres bouddhistes. L’introduction du nouveau culte rencontra d’abord une longue et orageuse résistance; ses adversaires ne manquèrent pas d’attribuer à cette innovation certaines calamités qui à cette époque visitaient le pays, ils obtinrent même en 585 la liberté de brûler les temples nouveaux qui déjà s’étaient élevés et de jeter les idoles dans les rivières. On montre encore à Osaka un endroit qui aurait été le théâtre d’une de ces scènes de destruction. Néanmoins la religion nouvelle avait trop d’influence et trop grande était son attraction sur les esprits pour que cette résistance officielle fût durable. Dans la lutte entre deux croyances, c’est toujours celle qui a les for- mules les plus précises et les symboles les mieux arrêtés qui finit par l’emporter. La doctrine étrangère devait donc triompher des dogmes indéterminés du culte national ; elle trouva son apôtre dans Sho-tokù-taishi, qui réussit à la faire consacrer, quoiqu’il n’appartînt pas au clergé. Sa statue se trouve à côté de celle de Bouddha dans presque tous les temples, et c’est une gloire qu’aucun laïque ne partage avec lui (575-624).

Il n’entre pas dans le plan que nous nous sommes tracé de présenter une analyse, même succincte, des origines et des doctrines du bouddhisme qui forment aujourd’hui la croyance de plus de 600 millions d’hommes. Il nous suffira de mettre en lumière les points par où il diffère du shinto ou se confond avec lui. Ainsi, tandis que l’un, subjugué par l’évidence des phénomènes extérieurs et impuissant à en saisir la loi suprême ou à leur trouver une cause, s’arrête à adorer les effets qu’il divinise et fait de ses dieux des êtres concrets, l’autre, se jetant dans l’extrême contraire, s’élance d’un bond vers la notion de l’absolu, niant la réalité phénoménale, indifférent aux accidens d’un monde fugitif et contingent, et représente l’essence suprême comme purement abstraite et indépendante de ses attributs. Malgré l’opposition des deux systèmes religieux, nous les verrons plus d’une fois se mêler à tel point, qu’il n’est pas toujours facile de discerner ce qui appartient à chacun d’eux. Ainsi, quoique la théorie bouddhiste ne s’accorde guère avec l’idée d’un paradis, le bouddhisme japonais en admet un (goku raku) où les âmes de ceux qui ont bien vécu doivent séjourner au milieu de plaisirs éternels en attendant leur absorption dans l’essence absolue. C’est le sort réservé aux tièdes, qui n’ont pas réussi durant leur vie à réaliser le détachement parfait. Quant aux méchans, ils passent dans un lieu de châtimens (djin koku), où ils