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LES
MAITRES D’AUTREFOIS

VI.[1]
REMBRANDT. — LES VAN-EYCK. — MEMLING.


I.


Amsterdam.

Rembrandt serait en effet inexplicable, si l’on ne voyait en lui deux hommes de nature adverse qui se sont fort embarrassés. Leur force est presque égale, leur portée n’a rien de comparable; quant à leur objectif, il est absolument opposé. Ils ont tenté de se mettre d’accord, et n’y sont parvenus qu’à la longue, dans des circonstances demeurées célèbres et très rares. D’habitude ils agissaient et pensaient séparément, ce qui leur a toujours réussi. Les longs efforts, les témérités, les quelques avortemens, le dernier chef-d’œuvre de ce grand homme double, — les Syndics, — ne sont pas autre chose que la lutte et la réconciliation finale de ses deux natures. La Ronde de nuit a pu vous donner l’idée du peu d’entente qui régnait entre elles lorsque, trop tôt sans doute, Rembrandt entreprit de les faire collaborer à la même œuvre. Il me reste à vous les montrer chacune dans son domaine. En voyant jusqu’à quel point elles étaient contraires et complètes, vous comprendrez mieux pourquoi Rembrandt eut tant de peine à trouver une œuvre mixte où elles pussent se manifester ensemble et sans se nuire.

  1. Voyez la Revue des 1er, 15 janvier, 1er et 15 février, et du 1er mars.