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en défendre l’entrée aux spectateurs, et se servant du pied de sa croix pour repousser les curieux qui tentent de violer la consigne. Une autre curiosité, celle-là bien entière, est une horloge bizarre, trophée de victoire remportée par les habitans de Clermont sur ceux d’Issoire pendant les guerres de religion. C’est, on le voit, un trophée du même genre que le jacquemard enlevé aux habitans de Courtray par Philippe le Hardi, mais moins naïf et beaucoup plus laid. Cette horloge se compose de trois figures qui frappent alternativement les heures : le Temps armé de sa faux au sommet. Mars et le dieu Faune sur chacun des côtés. Enluminés, grimaçans, vulgaires, les trois personnages sont aussi vilains en effigie qu’ils le sont en fait; néanmoins il y a dans ces figures une brutalité barbare d’où ressort une leçon de morale assez franche dans sa crudité. Le Temps, ridé, chauve, austère, triste, apparaît entre ses deux acolytes comme un exécuteur au milieu de ses aides; voilà le bourreau de nos existences assisté de ses valets, Faune pour la besogne journalière. Mars pour les jours d’exception. La sensualité et l’antagonisme d’où naît la guerre, connaissez-vous de meilleurs auxiliaires du temps, et n’est-ce pas le résumé de toutes nos passions, de celles qui précipitent l’homme contre l’homme, et de celles qui soutirent subtilement et goutte à goutte l’existence de chacun de nous?

Comme Notre-Dame-du-Port, la cathédrale de Clermont est dédiée à la Vierge, dont une statue colossale sortant de l’arbre généalogique qui prend sa racine dans Jessé orne la toiture. Cette statue en remplace une plus ancienne nommée Notre-Dame du bon retour parce qu’elle était proche d’un campanile dont la cloche servait à annoncer aux chanoines les heures de la rentrée au chœur, et qui, brisée pendant la révolution, n’avait pas été remplacée depuis, bien qu’elle fût dans le pays en grande vénération. Un sentiment de patriotisme local a ressuscité cette ancienne dévotion. Pendant la guerre de 1870, les dames de Clermont, émues d’effroi au spectacle de la marche toujours croissante des armées ennemies, firent vœu de remplacer la Vierge détruite, si l’Auvergne était préservée de l’invasion. On sait comment cette province échappa au fléau de la guerre; en conséquence de ce vœu, la statue de la Vierge, qui put cette fois s’appeler à meilleur droit que jadis Notre-Dame du retour, est remontée à son ancienne place.

J’étais justement à Clermont au moment des fêtes de l’inauguration de cette statue; j’ai assisté à la procession qui parcourut la ville à cette occasion, et j’ai été frappé du changement qui s’était opéré dans ces cérémonies religieuses si populaires dans ces régions de la France centrale. Non-seulement elles n’ont plus leur caractère