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de ne pas lui trouver le même visage qu’il lui voit dans les peintures de Murillo ou dans celles de Zurbaran?


II. — CLERMONT-FERRAND.

Peu de villes ont un aspect aussi ouvert, aussi riant, et je dirai presque aussi lumineux que Clermont abordée par la Limagne. Aperçue à distance en venant de Riom, c’est un enchantement : un vaste espace à découvert entouré de hautes montagnes, et dans cet espace Clermont précédée de la petite ville de Montferrand comme une reine de ses massiers, déployée à l’aise dans une pose pittoresquement inclinée. L’enchantement se dissipe quelque peu après l’arrivée. La ville, à quelques quartiers près, est montueuse à faire le désespoir d’un asthmatique, mais en revanche se prête admirablement à l’apprentissage du touriste pour ses courses dans les montagnes des environs. Les rues, presque toujours de longues ruelles, sont avarement étroites sans tortuosités pittoresques ni replis curieux; ce n’est pas ici que le dilettante romantique trouvera matière à ses rêveries, pas plus que le romancier de cape et d’épée n’y trouvera un théâtre pour ses fictions. Les places qui, à la seule exception de celle qui s’étend derrière la cathédrale, se trouvent en bas de la ville, mal coupées, trop inclinées, ne sont disposées ni pour être des buts agréables de promenade, ni pour être des lieux commodes de rendez-vous. Enfin les demeures bâties presque toutes de cette pierre de Volvic, de couleur noir-clair, dont l’aspect est si lugubre semblent y porter le deuil de la beauté qu’elles n’ont pas. Ajoutez deux inconvéniens notables : le premier, c’est que Clermont est relativement privée d’eau, et que, n’était l’admirable fontaine que l’évêque Jacques d’Amboise y fit élever au commencement du XVIe siècle à l’imitation des belles fontaines de la renaissance d’Anjou et de Touraine, on n’apercevrait nulle part dans la ville la présence de cet élément de fraîcheur et de gaîté. Peut-être est-ce en partie à cette rareté de l’eau qu’il faut attribuer le second inconvénient de Clermont, l’infection de ses ruelles et de ses quartiers populaires, infection qui est telle qu’elle dépasse non-seulement tout ce que les nerfs olfactifs ont pu sentir, mais encore tout ce que l’imagination peut supposer ou combiner de mauvaises odeurs. Imaginez par exemple une combinaison des émanations des fosses de tannerie et des émanations de l’engrais humain accumulé et échauffé avec l’écœurante fadeur des moisissures dans les lieux humides; ajoutez-y pour dernier arôme l’odeur heureusement disparue aujourd’hui des anciennes fritures du Pont-au-Change, et vous n’approcherez pas encore de la réalité. On demeure effrayé lorsqu’on traversant ces