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l’aristocratie guerrière des Maïnotes, comme l’amiral Miaulis à l’aristocratie maritime des Hydriotes. Primats dépossédés et ruinés par le nouvel ordre de choses, ils se seraient soumis aux nécessités publiques, si le président n’avait manifesté l’intention de les détruire. Telles étaient surtout les dispositions du chef de la famille, le vénérable Pétrobey[1]. Un de ses frères, Giannis, moins résigné au joug du président, prit le commandement des insurgés de Maïna, quand une moitié de la Grèce se souleva pendant l’été de 1830. Le président, pour se débarrasser de lui, eut recours à une ruse odieuse ; il le fit inviter par un de ses neveux à se rendre à Nauplie pour traiter ensemble des clauses d’une réconciliation. Ce neveu, George Mavromichalis, fils de Pétrobey, était un type de beauté, de courage, de droiture, orgueil de toute la famille. Giannis l’aimait d’une affection particulière, et le président, qui n’ignorait pas ces détails, savait bien qu’un mot de lui suffirait pour attirer le rebelle à Nauplie. Il obtint ce mot à force de cajoleries et de promesses. Giannis se rendit à l’appel de son neveu ; à peine arrivé, il fut saisi et jeté en prison. Le président fait aussitôt main-basse sur tous les membres de la famille Mavromichalis ; les uns sont emprisonnés, les autres, soumis à une surveillance dont ils ne se doutent pas, se trouvent comme internés dans Nauplie ou dans Argos. Deux des premiers, Elias, fils de Giannis, Constantin, frère de Giannis et de Pétrobey, réussissent à briser leurs chaînes. Ils gagnent Limeni en toute hâte et reprennent le commandement de l’insurrection. Pétrobey, nous l’avons dit, n’approuvait pas cette levée d’armes ; il offre au président de se rendre à Limeni et d’apaiser les rebelles. Le président refuse. C’est alors que le vieillard, comprenant qu’il est prisonnier, veut s’échapper de sa geôle. Il part en secret, parvient d’abord à Zante, se dirige ensuite vers Limeni, mais rejeté ensuite sur la côte d’Elis, est pris et ramené au maître. Cette fois on ne se borne pas à le surveiller ; le vieux chef des guerres de l’indépendance, l’ancien prince de Maïna, Pétrobey Mavromichalis, est enfermé dans un cachot !

C’était le comble de l’iniquité. Pétrobey n’avait pris aucune part à l’insurrection ; il l’avait déconseillée, il la blâmait très haut et voulait y mettre fin. On ne l’avait traduit devant aucun tribunal, il n’était ni jugé ni condamné. L’emprisonnement du vieillard, prolongé depuis plusieurs mois, soulevait partout une irritation profonde. Son frère Constantin, pour sauver le chef des Mavromichalis, entre en négociations avec le président ; il est prêt à mettre bas les

  1. Pétrobey, c’est le bey Pierre, le prince Pierre. Le chef de la tribu des Mavromichalis avait été le prince de Maïna, dans le temps où une sorte de féodalité héroïque était née de la lutte contre les Turcs.