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des trois cours, puisqu’il n’est pas de difficulté qui ne l’effraie, pas d’obstacle qui ne l’arrête, pas de démarche qui ne prouve qu’il eût apporté en Grèce du dégoût, de la pusillanimité et le perpétuel regret d’avoir abandonné ses prétendues chances au poste éminent de régent d’Angleterre. » Ouf ! quelles injures et quel langage ! Arrière-pensées, mauvaise foi, trahison, lâcheté, dégoût, pusillanimité, ambition tortueuse, voilà les aménités qui s’entre-choquent dans l’obscurité de cette phrase mal bâtie. Le comte Matuszevicz est persuadé d’ailleurs que le prince Léopold n’obtiendra jamais la régence qu’il convoite, « surtout après avoir ainsi consommé sa honte. » Il ajoute enfin, sur un ton d’anathème, mais sans aucune autorité prophétique : « Un pareil souverain ferait injure à la royauté. »

Le représentant de la France à la conférence de Londres était le comte de Montmorency-Laval. Assurément, est-il besoin de le dire il ne parlait point cette langue-là. On ne s’étonnera pas cependant qu’il ait été aussi mécontent que ses collègues du refus du prince Léopold. Le prince Léopold, en 1827 et en 1829, avait reçu le meilleur accueil à la cour de Charles X. Le cabinet des Tuileries appelait de tous ses vœux la conclusion pacifique des affaires de Grèce. Les comités de philhellènes français éprouvaient le même sentiment. Partout enfin, des hautes sphères de la diplomatie jusqu’aux régions où se forme l’opinion courante, il n’y avait qu’un cri d’accusation contre le prince Léopold. L’explication de sa conduite, telle que l’avait donnée lord Aberdeen, avait fini par être universellement admise. Un recueil célèbre, la Revue de France, organe des doctrines constitutionnelles et libérales, fondé en 1827 par M. Guizot et M. de Barante, se donna la tâche de juger la question. « De la conduite du prince Léopold dans l’affaire de la Grèce, » tel est le titre de l’article sans signature que la Revue de France publia au mois de juillet 1830. Est-il de M. Guizot ? Est-il de M. de Barante ? ou bien faut-il y voir la main de quelque brillant rédacteur des affaires étrangères initié aux secrets de ses chefs ? On ne sait ; dans tous les cas, c’est une belle page, une page très grave, très forte, mais animée d’une sévérité injuste, puisqu’elle reproduit toutes les erreurs qui passionnaient l’esprit public. À ce titre, et en notant la date, l’article dont nous parlons a la valeur d’un renseignement d’histoire. L’auteur, comme les ministres anglais, comme les diplomates russes, rattachait la renonciation de Léopold à la maladie sans espoir qui venait de frapper George IV. Les raisons si libérales du prince, son respect du sentiment national en Grèce, sa répugnance à devenir un instrument de despotisme, le publiciste irrité se refusait à y croire. Il ne voyait là qu’une série de prétextes, et