Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/962

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faisait au pénitencier des îles Andaman. Ce déplorable événement mettait une sorte d’auréole au front de la victime. Lord Mayo n’était pas un grand homme, certes, ni même un administrateur renommé. Cependant il remplissait avec sagacité la fonction que le gouvernement anglais lui avait confiée. Doué par la naissance et par l’éducation d’un air de dignité que rien n’altérait, il tenait sans embarras le premier rang au milieu de princes indigènes dont la généalogie remonte quelquefois aux temps héroïques de l’histoire hindoue. Il était issu d’une famille irlandaise qui avait fourni plusieurs évêques à l’église anglicane. Entré jeune encore à la chambre des communes, il s’était associé à la fortune des tories, et avait obtenu un poste secondaire dans le gouvernement chaque fois que lord Derby revenait aux affaires. Serviteur zélé et fidèle, il se faisait ainsi une réputation sans que personne eût rien à lui reprocher. C’est dans cette catégorie d’hommes d’état de second ordre que le cabinet prend volontiers un vice, roi de l’Inde lorsque cet éminent emploi devient vacant. En 1868, il y avait vingt ans déjà qu’il appartenait à la chambre des communes, M. Disraeli lui offrit la vice-royauté, qu’il accepta. Lord Mayo avait toutes les qualités extérieures que réclame l’exercice d’une dignité où l’esprit de parti n’a rien à faire. Qu’on en juge par un seul fait. Le principal événement du règne de lord Mayo fut la réception à Umballah de l’émir Shire-Ali, le souverain de l’Afghanistan. En cette occasion, de même que dans les durbars solennels où il convoquait les princes déchus de l’Hindoustan, il donnait une haute idée de la puissance anglaise à ces peuples innocens, qui jugent du pouvoir d’une nation d’après l’éclat des fêtes que donne son représentant. Il montrait aussi, ce qui est plus louable, une sympathie marquée pour l’éducation, pour les œuvres de bienfaisance, pour tout ce qui touche au bien-être et à l’amélioration de la population conquise. En chacune de ces circonstances, il prononçait un discours d’apparat ; c’est la collection de ces allocutions étudiées que l’on a publiée à Calcutta. Le plus curieux est que cette collection est l’ouvrage d’un Hindou et qu’elle est faite à l’instigation d’un prince indigène, le maharajah de Pultiala. N’est-ce pas un indice de l’influence que les idées anglaises exercent sur la population native de l’Inde ? Les ouvrages de M. Gosto Behary Mullick sont nombreux déjà ; celui qu’il a consacré à lord Mayo montre non-seulement qu’il sait écrire correctement l’anglais, mais aussi qu’il a su comprendre les mœurs européennes.


H. BLERZY.


Le directeur-gérant,

C. BULOZ