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s’abattre sur la maison le 16, à 1 heure 1/2 du matin. La neige de l’avalanche, en comblant tout le creux au nord de la maison jusqu’à 1 mètre au-dessus du toit, privait les habitans de leur escalier de communication et les séparait de leur combustible. Ne pouvant plus sortir du premier étage par la porte et n’ayant pas d’échelle pour utiliser leur fenêtre, ils furent obligés de percer le parquet pour descendre à l’étage inférieur. Il fallut ensuite dégager la cheminée, dont le conduit était plein jusqu’au rez-de-chaussée, puis allumer avec grand’peine un feu pour se sécher. Le fermier de l’hôtellerie était descendu la veille à Campan, et il était impossible qu’il pût remonter de sitôt ; le chemin était devenu impraticable en raison des avalanches que l’on entendait ronfler à chaque instant. Heureusement on avait, pour aider au déblai, un paysan des environs qui, surpris par le changement de temps, se trouvait prisonnier à l’hôtellerie. Le gros de l’avalanche était allé s’engouffrer dans le lac d’Oncet, qu’il faisait déborder : le petit torrent qui s’en échappe laissait voir son lit dégagé de neige sur plus de 2 kilomètres. A huit heures du matin, pendant que le général faisait avec son aide l’inventaire des dégâts, deux vautours se présentèrent : ils venaient voir si l’avalanche leur avait préparé un festin ! On constata que le vent de l’avalanche et l’embrun avaient brisé et tordu l’abri météorologique, bien qu’il fût construit en fer et en fonte, et broyé les instrumens.

Cette catastrophe ne découragea pas nos observateurs. En quelques jours, le désastre était en grande partie réparé ; les instrumens étaient remplacés et installés sous un abri de bois. Afin de diminuer les risques de l’isolement, M. de Nansouty a engagé deux solides montagnards pour le reste de l’hiver. Depuis ce moment, les observations ont été continuées d’une manière très régulière ; on en publie un résumé tous les quinze jours. De temps en temps des visiteurs montent par la route de Bagnères : le jour de l’an a été fêté à la station Plantade par une nombreuse réunion d’amis de la science qui étaient venus saluer les habitans du pic. Tout fait espérer que la campagne de 1875 pourra être menée à bonne fin. Toutefois cette expérience de deux ans a suffisamment démontré que le col de Sencours est à peu près inhabitable en hiver : il est trop accessible à l’accumulation des neiges et trop ouvert aux coups de vent d’est, sud et sud-ouest. L’observatoire qu’il s’agit de bâtir au sommet, à l’endroit où l’on a installé le Pavillon-Darcet, ne serait exposé qu’aux vents du sud, et il serait facile de le défendre contre les neiges d’apport. La comparaison des températures notées à midi au sommet du pic et à la station Plantade prouve même que vers le milieu de la journée il ne fait pas toujours plus froid en haut qu’en bas, en dépit d’une différence de niveau de 500 mètres, à laquelle