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7 heures 35 minutes du matin à Washington, car ces données devaient être envoyées au général Albert Myer, chef du service météorologique des États-Unis. En prévision d’un long séjour, on avait apporté à l’hôtellerie de Sencours un ample approvisionnement de vivres, consistant en vin rouge, pain-biscuit, conserves de légumes et de viandes, extrait Liebig, sucre, café, thé, lait, rhum, bougie, coke, tout cela en quantité plus que suffisante, car on comptait en laisser encore en partant. Une petite pharmacie complétait ces provisions d’hivernage. L’hiver avait été sensiblement plus précoce que l’année précédente ; par deux fois dans le courant de novembre on avait du renoncer à l’observation du sommet, il y avait eu péril très réel. En fait de distractions, la chasse d’une hermine, la visite d’une martre qui, après avoir mangé quantité de noix, de lard et d’autres friandises, ne voulut pas se laisser prendre au piège qui lui fut tendu, les rares apparitions de quelques oiseaux, notamment du pinson des neiges (fringilla nivalis), étaient des événemens qui comptaient dans cette existence de stylites. Au commencement de décembre, quatre membres de la commission firent l’ascension du pic pour rendre visite à leur collègue.

C’est un accident survenu à la grille du poêle de fonte vers le 10 novembre qui fut la cause du départ prématuré des observateurs. Ils avaient d’abord essayé de raccommoder la grille, mais sans succès ; il avait fallu modifier la forme du foyer en l’élargissant considérablement. De ce jour, la consommation du combustible avait doublé, tant par suite de cette transformation que parce que la couche de neige, en dépassant le sommet de la cheminée, l’avait en quelque sorte prolongée et par suite augmenté chaque jour le tirage à mesure qu’elle s’entassait. Les vents du nord-est et du sud-ouest apportaient de telles quantités de neige au col Sencours, que le 15 novembre il y en avait déjà 4 mètres contre la façade nord de la maison, et qu’on sortait de plain-pied du premier étage. À force de travail, on parvint à la maintenir à ce niveau jusqu’au 2 décembre. Le 3, on dut se décider à creuser dans la neige une galerie de 7 mètres de long, afin d’arriver sans trop de difficulté à la plate-forme de l’observatoire.

Jusqu’au 6 décembre, Brau avait toujours accompagné au sommet du pic M. Baylac, qui allait prendre le relevé de midi. Le 7, ces deux hommes ayant été renversés deux fois par le vent en côtoyant les couloirs d’Ardalos, M. de Nansouty décida que jusqu’à nouvel ordre l’observation du sommet serait supprimée. Le 9 et le 10, la tourmente commençait, préludant par le bouleversement de la neige et lui donnant des formes fantastiques. Des instans de calme plat succédaient à des rafales de neige où un homme n’eût