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épisode dont le vrai caractère a été singulièrement dénaturé par deux écrivains considérables. Le duc de Buckingham, dans ses Mémoires de la cour de la régence, et le comte Van der Duyn dans ses Souvenirs, affirment que la grande-duchesse Catherine de Russie, fille du tsar Paul Ieret veuve du grand-duc d’Oldenbourg, a eu la plus grande part à la révolte de la princesse Charlotte. À les en croire, la grande-duchesse Catherine, qui était venue en Angleterre au mois de mars 1814, aurait pris en peu de temps beaucoup d’empire sur l’esprit de la fille du régent. Personne fort avisée, disent-ils, avec un goût très vif pour l’intrigue, c’est elle qui aurait amené la rupture des deux fiancés, afin de faire épouser au prince d’Orange une des princesses de la cour de Russie. Il est certain que deux ans plus tard, en 1816, le prince d’Orange épousa la grande-duchesse Anna Paulovna, sœur de la grande-duchesse Catherine. Est-ce à dire que la grande-duchesse Catherine ait été coupable de l’intrigue dont on l’accuse ? Le fils du baron de Stockmar, muni de toutes les notes de son père, combat très décidément cette opinion. La grande-duchesse Catherine recevant les confidences intimes de la princesse Charlotte a du s’apercevoir sans peine que le mariage projeté ne convenait point à son amie, et, inspirée par son affection, elle a pu, le plus naturellement du monde, je ne dis pas l’encourager à la lutte, mais l’affermir dans sa résistance. On a vu que bien d’autres raisons et des influences bien autrement décisives avaient soutenu la princesse Charlotte. Si l’influence de la grande-duchesse Catherine mérite d’être comptée durant cette crise, c’est à peine comme un poids de plus dans le plateau d’une balance, après que l’épreuve est déjà faite. Quoi qu’il en soit, le prince qui avait inspiré si peu de sympathie à Warwick-house fut moins malheureux deux ans plus tard à la cour de Russie. Le 21 février 1816, -il épousa la grande-duchesse Anna Paulovna, fille de Paul Ier sœur d’Alexandre Ieret de celui qui, en 1825, devint l’empereur Nicolas. C’est lui qui, sous le nom de Guillaume II, a régné paisiblement sur la Hollande de 1840 à 1849.


III

Parmi les princes qui avaient accompagné à Londres les souverains alliés au mois de juin 1814 se trouvait un beau et noble jeune homme, le prince Léopold de Saxe-Cobourg. C’était le dernier fils du duc François de Saxe-Cobourg et de la duchesse Augusta, née princesse de Reuss-Ebersdorf, restée célèbre dans la haute société européenne pour la finesse et l’originalité de son esprit. Il n’avait alors que vingt-trois ans et demi, et déjà il avait été